Travail réalisé grâce à l’énorme travail de recherche effectué par Richard LÉDÉE et présenté sur le Site Mémoires Saint-Barth et dans lequel j’ai pioché les retranscriptions de lettres et les dénombrements.
Les plus anciens recensements nominatifs connus pour chacune des deux îles du nord sont datés, de 1681 pour Saint-Barthélemy, et de 1682 pour Saint-Martin, ces deux recensements donnent quelques renseignements, avec l’indication d’une épouse, du nombre et du sexe des enfants, du nombre d’esclaves et de bestiaux qu’ils possèdent.
En plus de ces recensements, existent, un recensement pour Saint-Barthélemy, ainsi qu’un autre pour Saint-Martin, qui ne portent pas de date, ce qui pose un gros problème pour dater l’arrivée de certains patronymes dans notre ile. Les deux recensements se ressemblent beaucoup dans la forme et la présentation avec seulement les noms et prénoms des habitants, armés et non armés. On pourrait estimer qu’ils sont de la même époque.

ANOM – Haut de la première page du recensement non daté de Saint-Martin

ANOM – Haut de la première page du recensement non daté de Saint-Barthelemy
Pour essayer de dater ces recensements, il faut travailler sur deux choses : la chronologie de l’histoire de ces deux iles à cette époque pour y déceler des mouvements de population, et, les traces qu’on peut retrouver de ces populations dans les recensements / actes dans les mêmes périodes dans d’autres iles. On devrait pouvoir ainsi les encadrer dans le temps.

ANOM – Haut de la première page du recensement de Saint-Martin de 1682

ANOM – dernière page du recensement de 1681 pour Saint-Barthelemy

ANOM – 1ere page du recensement de 1681 pour Saint-Barthelemy
Chronologie.
Ces lettres échangées entre officiels français ou entre officiels anglais, mettent un peu mieux en lumière la vie des premiers habitants des iles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy que les quelques lignes que j’avais pu lire ici ou là. A cette époque, les français et les anglais se disputent âprement le contrôle des iles, et, en particulier, celui de Saint-Christophe, l’ile « mère » de la colonisation aux Antilles pour ces deux nations entre qui elle est toujours partagée au moment où nous faisons commencer cette recherche.
Le 20 avril 1689, juste après la prise aux Hollandais de l’ile de Saint-Eustache par les Français : il est question de la repopulation de l’ile par des colons Français, si le Roi décide de la garder : « …on ne manquera pas d’habitants quand on voudra permettre de s’y établir, il ne convient pas d’en prendre de ceux de Saint-Barthélemy, mais il y a beaucoup de familles riches dans Saint-Christophe et où il y a nombre d’enfants qui s’accommoderont facilement des terres qu’on voudra bien leur donner dans Saint-Eustache ». Apparemment les Saint-Barths peuvent rester sur leur ile.
1689, deux lettres non datées, mais sans doute après le 17 Mai (en effet, à cette date de BLENAC se rend maitre de la partie Anglaise de Saint-Christophe et en chasse les Anglais.)
« …surtout à présent que les colonies de Saint-Martin et Saint-Barthélemy y ont été transportées » On comprend que les colons des deux iles ont été amenés à Saint-Christophe. Pourtant, dans la même lettre, il est dit un peu plus bas « les Anglais ont fait une descente dans Saint-Barthélemy d’où ils ont enlevé tous les habitants qu’ils ont emmené prisonniers à Nieves avec le Sieur de MOYENCOURT », et, en marge de cette partie du texte « il parait par le recensement qu’il y avait 177 hommes. Monsieur de GUITAUD a commencé d’officier l’échange, et en retiré 53″. Cette deuxième partie de cette lettre semble en contradiction avec la première partie : est-ce que les habitants de Saint-Barthélemy avaient été attaqués avant la prise de Saint-Christophe ? En tous cas des négociations en cours ont permis de ramener 53 habitants prisonniers sur les 177 présumés y vivre avant la descente des Anglais, et ces habitants sont amenés sur Saint-Christophe.
La deuxième lettre reprend pour l’essentiel les événements de la précédente, avec des informations supplémentaires : « Le moyen le plus assuré pour conserver Saint-Christophe est d’augmenter le nombre d’habitants, ceux de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy pourront y avoir des places et y subsister avec plus de facilité que dans ces iles où le travail ne peut les faire vivre. On peut même mettre les habitants de Sainte-Croix ». On peut donc penser que disons courant juillet 1689, il n’y a plus d’habitants à Saint-Barthélemy et Saint-Martin.
Le Sieur de GUITAUD, Chevalier, Commandant pour le Roi des iles de Saint-Christophe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, visite les deux iles entre le 21 et le 25 juin 1689. Il trouve à Saint-Barthélemy 75 hommes dont 37 armés et les autres, mal armés. A Saint-Martin il y a quatre compagnies de milice avec 190 hommes portant armes, sans compter les vieillards. Le dénombrement de 1689 pour Saint-Barthélemy parle lui, de 75 hommes et de 12 invalides.
Le 19 septembre 1689, le Lieutenant-Général CODRINGTON (qui est sur Antigua) écrit aux responsables basés à Barbade « Les Français à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin ont attaqué Anguilla quelques jours après la prise de Saint-Christophe et l’ont conquise. Ils l’ont aussitôt rendue à ses habitants par peur de représailles sans doute. Dès que j’ai su, j’ai envoyé trois bateaux reprendre l’ile. Tous les Anglais et leurs esclaves et leurs biens ont été amenés ici [Antigua] où ils vont rester, Anguilla étant indéfendable ».
Cette lettre confirme a priori qu’il y a bien des habitants dans les deux iles justes après la prise de Saint-Christophe par les Français.
Le père LABAT aussi confirme (cela n’est pas daté exactement, mais c’est après la prise de Saint-Christophe) que de BLENAC « croyant mettre les colons de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy à l’abri d’un coup de main, avait appelé à Saint-Christophe tous les Français de ces deux iles, auxquels on avait distribué les terres des Anglais. Cette mesure procura quelques défenseurs de plus à Saint-Christophe… ».
Le 11 février 1690, le Lieutenant-gouverneur STEDE (un Anglais), envoie aux autorités de Barbade un courrier dans lequel il parle de l’expédition de Sir Timothy THORNHILL. « Sa présence est couronnée de succès pour encourager les iles à venger Saint-Christophe sur les iles Françaises. Ils ont pris beaucoup de prisonniers et un gouverneur avec eux et ravagé Marie-Galante, Saint-Barthélemy et Saint-Martin ; mais le butin était bien moins important qu’attendu ». On dirait une relation tardive de l’épisode cité plus haut pendant lequel les Anglais emmènent à Nevis environ 177 hommes et le sieur de MOYENCOURT
Dans un autre courrier Anglais du 25 février 1690, un certain NETHEWAY confirme que Saint-Barthélemy a été prise mais qu’ils ont dû l’abandonner. Le père LABAT semble parler de cet événement, mais selon lui il n’y avait plus d’habitants à Saint-Barthélemy.
Dans un autre courrier du 01 mars 1690, CODRINGTON donne plus de détails sur l’expédition. Nevis ayant besoin de provisions, et celles-ci n’arrivant pas d’Angleterre, CODRINGTON envoie THORNHILL attaquer Saint-Barthélemy et Saint-Martin avec 600 colons pour y prendre le bétail et les provisions des habitants et se débarrasser du poids de leur présence par la même occasion…Le 15 décembre 1689, THORNHILL commence par Saint-Martin, mais en arrivant, il s’aperçoit que les habitants sont déjà en alerte, et se dirige vers Saint-Barthélemy, qu’il prend malgré une opposition. Il envoie au gouverneur à Nevis 60 prisonniers et les esclaves et reste 3 semaines dans l’ile le temps d’en transférer tout le bétail et autres biens. Après avoir brulé toutes les maisons à part une ou deux, il se dirige à nouveau vers Saint-Martin. Après quelques escarmouches il traverse l’ile en 4 ou 5 jours, mais avant de pouvoir entreprendre quelque chose de définitif contre les habitants réfugiés dans les bois et les collines, un navire de guerre Français intervient et THORNHILL est obligé de quitter Saint-Martin.
Le 20 mai 1690, de BLENAC écrit à de GUITAUD « …je suis persuadé que vous ferez le mieux que vous pourrez pour les habitants de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy. Il y a longtemps que j’ai prévu ce qui leur arrive, je souhaite que dans la suite il n’en soit pas comme (pour ceux qui sont passés à Nevis ?). On imagine que les instructions sont de bien s’occuper des pauvres Saint-Barth et Saint-Martinois.
Le 03 Aout 1690, CODRINGTON écrit à Barbade qu’il a repris Saint-Christophe le 16 juillet. « Dès que j’ai eu la possession du fort de cet ile, j’ai entrepris de sécuriser notre conquête, et j’ai, ce jour, envoyé 550 hommes plus femmes et enfants à Saint-Domingue. J’ai aussi renvoyé plus de 200 hommes non armés et 400 femmes et enfants à Saint-Martin car ils en étaient d’anciens habitants, et j’ai nommé gouverneur l’un d’entre eux ».
Le père LABAT, faisant référence aux combats de De CUSSY plus tard dans la même année à Saint-Domingue confirme le transfert vers Saint-Domingue. Il dit « il visita à son tour les quartiers du Petit-Goave et du Port de Paix. Il accueilli avec empressement les habitants de Saint-Christophe que les Anglais avaient déportés ». On peut noter ici qu’on retrouve beaucoup d’habitants de Saint-Christophe dans les registres de Saint-Domingue dans les années qui suivent. On peut donc penser qu’aux alentours du mois d’Aout 1690, il y a de nouveau des habitants à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin.
Le 29 aout 1690, de MOYENCOURT, Lieutenant du roi pour Saint-Barthélemy écrit une lettre pour raconter la prise de Saint-Barthélemy et ce qui s’est passé ensuite. « Les Anglais mirent 900 hommes à terre le 26 décembre 1689 dans une anse de l’ile qui ne pouvait être gardée, après avoir été repoussé dans la principale descente où je les attendais avec tous les habitants de l’ile (36 hommes armés ?), j’ai soutenu le fer pendant 24 heures dans 4 retranchements que j’avais fait faire, après lequel, me voyant abandonné de tout le monde à la réserve de 5 hommes, j’ai été obligé de me retirer dans la montagne où j’ai tenu pendant 6 jours … sans vivres et sans eau je fus obligé de capituler ». L’officier raconte aussi qu’à sa capitulation, il devait être transporté à Saint-Christophe avec ses deux officiers, et le restant des habitants dans une colonie (Anglaise ?), mais que finalement il a passé huit mois en prison à Nevis et Barbade, avec des fers aux pieds une partie du temps, et que la plus grande partie des habitants sont morts de faim et de misère dans la prison…
DUMAITZ de GOIMPY, dans un courrier en date du 30 aout 1691, écrit « Quoi que les Anglais aient envoyé à Saint-Barthélemy des habitants de Saint-Christophe au nombre de cinq cent âmes où ils sont censés être sous leur domination, ils ne leur donnent néanmoins aucun secours de vivres, et, ne pouvant subsister des fruits du pays par la sècheresse (…) pour leur éviter de mourir de faim jusqu’à ce qu’on ait les moyens de les transporter dans des colonies du Roi, nous avons jugé à propos, de GUITAUD et moi, de leur envoyer par la première occasion qui se présentera, quelque quantité de bœuf et de farine de manioc… ». Donc, même si elles ne sont pas sous domination Française, les deux iles sont bien habitées par des Français.
le 06 mars 1692, le Chevalier de GUITAUD écrit « Aujourd’hui 06 mars 1692 … en conséquence des ordres laissés par le Comte de BLENAC dans les iles du 09 février dernier ; tous les capitaines commandants des compagnies de milice, et principaux habitants de cette ile (Martinique) pour leur déclarer les colonies du Roi, et les faire délibérer pour pourvoir à la subsistance des habitants de Saint-Martin et Saint-Barthélemy lorsqu’ils auront été apportés dans l’ile, et tous unanimement sont convenus de tenir la main à ce qui fut planté et entretenir autant de vivres que le terrain pourrait le promettre et qu’à l’égard des habitants de ces iles, ils se sont chargés de les faire placer dans les quartiers de l’étendue des compagnies qu’ils commandent … de leur donner des vivres a leur arrivée pour subsister pendant huit jours pour avoir le temps d’attendre de pouvoir être transportés dans les lieux où ils seront distribués. Messieurs ROY, RENAUDIN et CHARTON, se sont obligé de prendre les dits habitants pour être distribués dans le quartier du Prêcheur, 60 hommes portant armes avec leur suite femmes et enfants… avec les officiers du Cul de Sac de la Trinité s’est offert à placer 50 hommes portant armes avec leur suite femmes et enfants ». La Martinique se prépare donc à recevoir nos Saint-Barths et nos Saint-Martinois, ceux que l’on retrouve dans les registres de cette ile à partir de cette époque.
Le 10 mars 1692, du MAITZ de GOIMPI écrit « Les vaisseaux du Roi qui doivent aller chercher les gens de Saint-Martin et Saint-Barthélemy ne pouvant apporter tous ceux sur lesquels on a compté … ».
Début Mars 1692, les Anglais tentent d’envahir la Martinique, le 13 ils tentent de débarquer au Prêcheur. C’est justement un des quartiers dans lesquels on retrouve nos habitants exfiltrés des iles du nord.
Le 12 mai 1692, « Monsieur de VAUDRICOURT est arrivé (à la Martinique) et a apporté de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy et les a placés conformément à l’arrêté qu’on vous a envoyé. Ils étaient au nombre de 1100 âmes et 217 hommes portant les armes qui n’en n’ont point, ni d’argent pour en acheter »
En mai 1692 on procède à un recensement des milices de la Martinique sur lequel on trouve un « complément » de 1430 hommes armés avec quelques hommes de Saint-Christophe, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.
En parlant de la Grenade « … il s’en rapportait au courage de ses habitants. Parmi eux avaient passé quelques-uns des colons de Sainte-Croix, Saint-Barthélemy et Saint-Martin ». Donc tous nos habitants ne sont pas à la Martinique.
Le 20 mars 1694, de BLENAC écrit « qu’il n’y avait que 3 familles Françaises à Saint-Barthélemy qui n’ont pu venir à cause de leur vieillesse… »
Le 26 mai 1696, Monsieur ROBERT écrit (on ne connait pas la date de l’événement) « une barque Anglaise a aussi fait une descente à l’ile de Saint-Barthélemy où il était retourné sans permission plus de 40 familles de Français dont la plupart ont été faits prisonniers… ». Et, dans un autre rapport du même jour « …que dans la nuit du 20 au 21 de ce mois, une barque Anglaise a débarqué du monde et enlevé cinquante nègres dans une habitation ce cette ile (Martinique) entre le Prêcheur et Macouba ; cette même barque a mis à terre deux prisonniers Français qui viennent des iles de Nieves, Antigues et Saint-Christophe, et ces deux prisonniers rapportent qu’une barque Anglaise avait fait descente à l’ile de Saint-Barthélemy où il était retourné plus de 40 familles de Français, et que les Anglais ont tout pillé et brulé et ont fait 30 prisonniers, tant hommes que femmes et enfants, les autres s’étant sauvés dans les bois. Véritablement, ces Français y étaient sans défense, y étant retourné de leur pur mouvement et sans aucune permission, peu de temps après en avoir été tirés et amenés ici … ».
Le 12 mai 1697, dans un mémoire adressé au Roi, Messieurs le Marquis d’AMBLIMONT et ROBERT indiquent « … il n’y a plus d’habitants dans les iles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin… ». Ils assurent ne pas y avoir vu d’ennemis mais qu’ils prendraient des mesures si on en apercevait.
Le 05 février (?) 1698, un courrier indique « …A l’égard de Saint-Martin et Saint-Barthélemy et Sainte-Croix, sa majesté a déjà donné tous les ordres nécessaires pour empêcher ceux qui habitaient ces iles d’y retourner et elle continuera jusqu’à ce qu’il n’y en ai plus absolument aucun qui n’y retourne … ».
Le 10 juin 1698, CODRINGTON écrit à la Barbade « j’ai reçu le duplicata des ordres de redonner la partie Française de Saint-Christophe aux Français. En dehors de Saint-Christophe, nous avions aussi repris Saint-Eustache aux Français et nous l’avons redonnée aux Hollandais depuis quelques temps. Concernant les iles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, j’ai été obligé de les garder et d’en ôter les habitants Français de peur qu’ils n’abritent les corsaires de l’ennemi … Comme ces iles ne sont pas mentionnées dans les ordres du Roi, j’en déduit que je ne dois pas les redonner ». Et, un peu plus loin « Saint-Barthélemy et Saint-Martin sont habitées par de pauvres gens pour y élever du bétail ».
Le 20 Aout 1698, dans une réponse du Roi au Marquis DAMBLIMONT et ROBERT » Lorsque sa Majesté a fait dégrader les iles de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, elle y a été moins excitée par les risques que les habitants courraient d’être enlevés par les petits corsaires ennemis que par le désir / dessein de fortifier les colonies de la Martinique et de la Guadeloupe, et comme ces mêmes maux subsistent encore et désire … apportent tous leurs soins pour détourner les habitants de Saint-Martin et Saint-Barthélemy d’y retourner ». Il rajoute que, quand bien même certains de ces habitants retourneraient, il faut qu’ils sachent qu’au premier événement de guerre, ils seront enlevés et transportés dans cette ile pour aider à la défendre. Et aussi que peut-être cela leur donnera envie d’aller à Saint-Christophe dont toutes les terres sont défrichées. Et, « à l’égard de Sainte-Croix, sa majesté ne souffrira pas qu’elle soit rétablie, et elle donnera ordre aux commandants de vaisseaux qui iront à Saint-Domingue de visiter cette ile pour enlever tous ceux qui y seraient retournés ».
Le 22 février 1699 le Comte d’AMBLIMONT (installé à Saint-Christophe) écrit « J’ai envoyé Monsieur DYEL du PARQUET de la MALMAISON à Saint-Martin et Saint-Barthélemy et il m’a rapporté qu’il y avait peu d’habitants, mais que plusieurs qui étaient à la Martinique et aux autres iles prétendaient y retourner, y étant attirés par la bonté des iles et la facilité d’y vivre. Nous avons fait ce que nous avons pu pour les porter à venir s’établir à Saint-Christophe, ils nous ont répondu qu’ils n’avaient point de terres et que celles qu’on leur pourrait donner, étant espérées par leurs véritables propriétaires, ils en seraient dépossédés, et par conséquent, toujours en l’air sans établissement... »
Le 03 juin 1699, le Sieur ROBERT écrit « Les habitants de Saint-Martin et de Saint-Barthelemy ont tant fait qu’à la fin, ils se sont retirés dans les dites iles. Il n’en restait que quelques uns qui languissaient faute d’avoir les moyens de payer leur passage. Pour les tirer de la misère et leur donner le salut auquel ils aspiraient, j’ai affrété ces jour-ci une barque pour y porter tout ce qui en restait ici avec leurs familles et leurs effets…dans la suite, je m’informerai du nombre de personnes qu’ils seront dans chacune des deux iles pour y faire passer de temps en temps un religieux et jusqu’à ce qu’il y ait lieu d’y en établir à demeure ». On peut considérer ici, qu’au moins une partie des anciens habitants qui ont survécus peuple à nouveau les deux iles.
Le 19 septembre 1699, le Comte d’AMBLIMONT écrit qu’il a envoyé un religieux à Saint-Martin car il y a bien au nombre de 500 âmes dans ladite ile, mais qu’il n’a pu savoir encore ce qu’il y a à Saint-Barthélemy. Il rajoute ensuite « Sieur ROBERT et moi avons fait entendre aux habitants de ces deux iles la volonté du Roi avec douceur et ensuite avec menaces, ils ont dit qu’ils obéiront à ses ordres sans répugnance et de tout leur cœur, mais qu’ils espéraient de sa bonté qu’il leur permettrait de demeurer sur leur petit bien dans une joie où ils pouvaient vivre de l’abondance de leur terre, unique espérance, n’ayant ni terre ni de quoi habiter à Saint-Christophe et qu’étant là, ils vivront et exécuteront les ordres de sa majesté quand il faudra aller à Saint-Christophe pour le défendre et quand ils pourront s’en retourner, ils le feront ».
le 13 janvier 1700, le ministre écrit à DAMBLIMONT « Le Roi veut bien que vous laissiez à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy les habitants qui ont voulu y retourner puisque vos excitations n’ont pu les déterminer à retourner à Saint-Christophe. Vous pouvez leur offrir des terres à Marie Galante où ils pourraient trouver la même facilité de subsister qu’au lieu où ils sont. Je marque à Monsieur ROBERT d’entretenir un prêtre dans chacune de ces iles, et d’en prendre les fonds sur les sucres destinés pour les curés de la Martinique ».
Le 15 juillet 1702 les Anglais nous reprennent Saint-Christophe trop affaiblie par le manque de colons. Le 16 juillet, dans les conditions de la reddition, il est entre autres stipulé que « les familles de tous les habitants et officiers seraient conduites, ainsi que les troupes, à la Martinique, dans les bâtiments qui leur seraient fournis avec leurs hardes et leurs bagages ».
La partie sud de l’ile est tombée en premier, mais comme le gouverneur a signé la reddition, les Français de la Pointe de Sable sont obligés de se rendre aussi. De COURPON le gouverneur de la partie nord organise la protection par des corsaires des habitants qu’il faut évacuer. Les autres, les Anglais veulent les éloigner le plus possible à Saint-Domingue. La partie Française de Saint-Christophe est pillée.
Le 04 aout 1702, Monsieur ROBERT à la Martinique écrit « …depuis ma dernière lettre du 13 du mois de juillet passé, et de ce que j’ai appris jusqu’à présent de la manière dont la partie Française de Saint-Christophe a été rendue par Monsieur de GENNES à Monsieur CODRINGTON, général des iles Anglaises. Le dernier Juillet j’ai fait partir le Sieur Charbon avec une barque pour aller prendre les habitants de Saint-Martin et Saint-Barthélemy et les apporter ici ». Le Sieur CHARBON est aussi chargé de récupérer les prisonniers du quartier Français, « embarquer ceux qu’on voudra bien lui donner…particulièrement les officiers majors et leurs femmes et autres principaux habitants ».
Il est en fait très difficile d’utiliser ces sources (Françaises et Anglaises), car, avec les délais de réception et de réponse des courriers augmentés de lacunes (dates par exemple) on se trouve avec des informations qui donnent l’impression de se contredire. On arrive à comprendre qu’il y a des aller-retours des populations des iles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy entre 1689 et 1702. Des départs forcés, tant par les Anglais que par les Français, vers Saint-Christophe, la Martinique ou Saint-Domingue, et des retours autorisés ou en cachette. Les iles se vident, les iles se remplissent, et on a vraiment l’impression que personne ne sait vraiment ce qui s’y passe.
Ci-dessous un tableau récapitulatif des recensements et dénombrements de Saint-Barthélemy d’après les données collectées par le site Mémoires Saint-Barth de Mr Richard LÉDÉE
On voit bien que sur ce tableau, il n’y a pas de recensement des habitants entre 1689 et 1699. Il n’y en a d’ailleurs pas non plus entre 1700 et 1730, mais la période qui nous intéresse ici est celle qui se situe entre 1689 et 1715. En dépouillant les lettres Françaises et Anglaises, on a bien vu qu’il n’y a pas d’occupation officielle de l’ile entre 1689 (à partir décembre et l’attaque de THORNHILL) et 1700 (date du 1er recensement retrouvé).
Le même tableau avec les dénombrements de Saint-Martin.
Une petite parenthèse ici pour remarquer quand même les souffrances que ces populations ont dû supporter, avec toujours, cet acharnement à revenir sur leur ile, contre vents et marées, contre Anglais et Français pourrait-on presque ajouter ! Et que dire de tous ces premiers habitants dont les patronymes ont disparu, tant de Saint-Martin que de Saint-Barthélemy, et qu’on ne retrouvera plus sur les deux iles après ces événements…

ANOM – 1ere page complète du recensement non daté de Saint-Barthelemy
Deveau estime, à juste titre, que le recensement non daté de Saint-Barthélemy date d’après l’installation de la famille LÉDÉE puisqu’elle y figure. Pour lui, donc, ce recensement ne peut avoir été fait qu’entre 1710 et 1715 puisque c’est à cette époque qu’il place l’arrivée de la famille LÉDÉE dans notre ile, et qu’en effet, c’est la mention la plus ancienne qui existe pour ce nom de famille (entre autres) à Saint-Barthélemy.
Seulement, comme nous l’avons montré dans 3 articles précédents, les LEDÉE sont arrivés bien avant sur notre ile !
Le 23 septembre 1692, au Carbet à la Martinique, on baptise un enfant né de Paul MANGEANT et de Jeanne LÉDÉE habitants de Saint-Barthélemy,
Le 06 janvier 1699, à Grande Anse en Martinique, on marie Martin THEVENON et Catherine LÉDÉE, native de Saint-Barthélemy, fille de Jean LÉDÉE et Marguerite HOUBLAR.
En 1693, 1695 et 1698, au Carbet, à la Martinique, on baptise les enfants de René LÉDÉE et d’Elisabeth BRIN, habitants de Saint-Barthélemy.
Donc plus rien ne s’oppose à ce que ce recensement soit plus ancien que ce que Deveau affirmait. Sur ce document on trouve, sans précision, un Jean LÉDÉE et un René LÉDÉE. On peut donc penser que ce René est le mari d’Elisabeth BRIN, et que Jean est son père (celui qui est également le père de Catherine et époux de Marguerite HOUBLAR). René aurait pu avoir disons 20 ans en 1693, il serait né vers 1673, il peut donc figurer sur un recensement en tant qu’homme à partir de 1690 avec son père.
A partir de 1692, on trouve trace de nombreux habitants de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en Guadeloupe ou à la Martinique. On peut considérer qu’ils font partie des contingents d’habitants évacués et ramenés à la Martinique par le Sieur de VAUDRICOURT fin avril-début mai 1692. La plupart se retrouve à Case Pilote, au Carbet et au Prêcheur. Il doit y en avoir ailleurs mais malheureusement les archives ont disparu. Vous pourrez en profiter pour noter tous ces patronymes aujourd’hui disparus des deux iles.
A Case Pilote à la Martinique,
Le 20 mai, 1692 on enterre Antoine SAUTEMOUCHE, jeune garçon de 15 ans, natif de Saint-Martin,
Le 22 juin, on enterre René DEVÉ (qu’on doit sans aucun doute pouvoir rapprocher de notre lieu-dit « Dévé / Devet » de Saint-Barthélemy) âgé de 12 ans et natif de Saint-Martin,
Le 07 juillet, on enterre Marin COULE, habitant de Saint-Martin,
Le 26 Juillet 1692, baptême de Noël, fils de Louis LEGRAND et de Catherine FERIN habitants de Saint-Martin,
Et le 02 aout, Pierre, fils de Jacques FERET et de Anne MERCIER, également habitants de Saint–Martin
Et le 22 aout, on enterre Marin, âgé de 4 ans, fils de Jean LEBLANC de Saint-Martin,
Le 26 aout, on enterre Nanon DELLAI, 9 ans, native de Saint-Martin.
Toujours à Case Pilote, le 28 septembre, on enterre Pierre DUPRÉ âgé de70 ans et habitant de Saint-Martin,
Le 10 juillet 1693, on enterre Marguerite, fille de Guillaume SAUTEMOUCHE, habitant de Saint-Martin,
Le 31 juillet, on enterre Antoine SAUTEMOUCHE, habitant de Saint-Martin,
Le 09 mars 1696, on enterre Anne MERCIER, créole de Saint-Christophe et femme de Jacques FERET,
Le 12 avril 1701, Marie DUCLOS, native de Saint-Barthelemy, fille de Guillaume DUCLOS et d’Anne MASSÉ épouse René JANVIER avec dans les témoins, f.GOSSELIN.
Au Carbet, le 15 avril on baptise une fille d’Etienne LAPORTE et de Françoise CALIGNY, habitants de Saint-Martin,
Le 23 juillet on célèbre le mariage d’une Marie CALIGNY, veuve d’un Nicolas JAUQUY, native de Saint-Barthelemy et fille de René CALIGNY et de Guillaumine CRUCHON / GUICHOU.
Au Prêcheur, le 28 octobre 1699, Marianne THOREAU, fille de Pierre THAUREAU et de Marguerite VALLET, native de Saint-Martin, paroisse de Marigot épouse Michel PERRAUDEAU natif de La Rochelle,
Au Gosier en Guadeloupe, le 11 aout 1698, on célèbre le mariage de Marie BULTRY de Saint-Barthelemy, veuve de Guillaume PREDEAU et fille de défunt Mathurin BULTRY, de Nantes, et de Marie BOUIER
On pourrait continuer comme ça, et sans compter tous ceux originaires de Saint-Christophe et ceux que l’on retrouve aussi à Saint-Domingue.
Etudions un peu plus en détail les noms que nous venons de citer. J’ai regroupé dans un tableau tous les noms que l’on retrouve dans un des 4 recensements de Saint-Martin et Saint-Barthélemy
On a déjà vu le cas des LÉDÉE mais nous confirmons qu’ils ne sont plus à Saint-Barthélemy entre septembre 1692 et 1698, en tous cas, René n’y est plus entre 1693 et 1698, donc le recensement non daté de Saint-Barthélemy date, soit d’avant 1693, soit d’après 1698.
Le remariage de Marie BULTRY le 11 Aout 1698 nous indique que son premier mari, Guillaume PREDEAU et son père Mathurin BULTRY sont décédés, or ils figurent sur le recensement non daté de Saint-Martin, donc ce recensement est antérieur à 1698.
Marin COULÉ / COULLAY décède à Case Pilote alors qu’il est présent sur le recensement non daté de Saint-Martin, donc le document est antérieur au 26 juillet 1692.
Je pense que l’on peut donc affirmer que ces deux recensements sont antérieurs au 26 juillet 1692, peut-être même un peu plus ancien d’une ou deux années. Encore une fois, cela confirme l’évacuation des populations des deux iles par le Sieur de VAUDRICOURT.
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