Calix PILET, la manumission de l’esclave Nancy, et François DUZANT

Calix PILET ou PELET ou PILLET, nous l’avons déjà vu passer dans divers articles déjà, est un homme de couleur libre, tailleur à Gustavia. Il apparait souvent dans les documents de la Cour de Justice, et semble faire partie des hommes de couleur libre influant. A tout le moins, il intervient dans de nombreuses affaires, dont plusieurs manumissions d’esclaves.

Le 5 juin 1823, justement, il écrit à la Cour de Justice, et « supplie humblement, qu’ayant fait l’acquisition d’une négresse nommée Nancy, âgée d’environ trentedeux ans et native de Saint-Martin, selon qui l’en coute par l’acte de vente ci-joint, et, désirant de l’affranchir, il vous supplie de vouloir bien lui octroyer une lettre de liberté pour cet effet ».

Comme indiqué dans le courrier de Calix PILET, sont joints à sa demande les documents prouvant qu’il avait bien acheté l’esclave Nancy, et ses origines. 

Il apparait dans le document retranscrit ci-dessous, que c’est à Marie Magdelaine DUZANT qu’il l’avait achetée.

Le 15 janvier 1823

« Marie Magdelaine DUZANT, femme de couleur libre, habitante de cette île, laquelle, par ces présentes, déclare et reconnait avoir vendu, cédé, transporté et délivré, dès maintenant, et pour toujours, et promet garantir de tout empêchement, généralement quelconques, à Calix PILET, homme de couleur libre, aussi habitant de cette île à ce présent et acceptant acquéreur, pour lui, ses hoirs et ayant cause, une négresse nommée Nancy, née à l’île de Saint-Martin, et âgée d’environ trente-deux ans, appartenant à la dite vendresse suivant le certificat ci-annexé, pour, par le dit acquéreur, en jouir, faire et disposer en pleine propriété et comme d’un bien à lui, appartenant en tous regards, et l’acquéreur, de son côté, déclare connaitre la dite négresse pour l’avoir vue et visitée, et en être content et satisfait, renonçant à des informations plus amples.

Cette vente est faite pour le prix de deux-cent-cinquante Gourdes que la dite vendresse reconnait avoir reçu en entier et parfait paiement dont elle donne quittance et décharge, moyennant les présentes, au-dit acquéreur ».

J’ai voulu recopier intégralement l’acte de vente, pour qu’on puisse bien mesurer la violence induite par le contrat de vente d’un esclave, qu’on se rende compte du décalage temporel que représentent les deux-cent ans qui nous en séparent. L’acheteur a « vu et visité la négresse, il en est content et satisfait » ! L’acquéreur « peut en jouir, faire et disposer en pleine propriété et comme d’un bien à lui appartenant en tous regards » ! Calix PILET n’achète pas un cheval ou un objet quelconque, une maison ou un navire. Il achète un être humain, une femme. Nancy !

On peut également noter que l’acheteur et la vendeuse sont tous les deux dits de couleur libre, et, comme on le verra plus bas, Marie Magdelaine a été esclave elle même !

Le vingt juin 1823, par devant Lars Gustaf Morsing, Notaire royal et public dans l’île de Saint-Barthelemy, « furent présents les sieurs Jean Pierre DUZANT et Alexis DUZANT, fils légitimes de Marie Magdelaine DUZANT mentionnée dans le contrat de vente ci-devant, lesquels déclarent n’avoir rien à remarquer ou observer contre la vente de la négresse Nancy, approuvant par ces présentes, tout ce que leur dite mère à fait à cet égard ».

Jean Pierre DUZANT et Alexis DUZANT, comme Marie Magdelaine, nous les connaissons déjà également.

En effet, dans l’article concernant l’étude de ce patronyme, nous avions vu passer la manumission, sous le nom de DUZANT, Marie Magdelaine et de ses enfants, Jean Baptiste, François Magloire, Marie Catherine, Alexandre, Marie Noëlle et Jean Pierre. L’affranchissement avait eu lieu en partie Hollandaise de Saint-Martin, et tous, avaient auparavant été rachetés à François DUZANT par un certain Jeremiah RICHARDSON à ce dessein. Les deux fils de Marie Magdelaine cités ici, sont donc eux aussi nés esclaves, mais dans une situation assez particulière, il faut bien le reconnaitre. 

C’est le document ci-dessous, très important pour la généalogie des DUZANT qui fait toute la lumière sur la dernière zone d’ombre qui subsistait. En effet, Jean Marie DUZANT (fils) déclare ici, le 11 janvier 1823, « que la négresse nommée Nancy appartient aux enfants naturels de feu mon frère François DUZANT, décédé à Saint-Martin, et que la mère de ces enfants, nommée Marie Magdelaine, a la jouissance du cinquième des terres des « petites cailles » et les domestiques que feu François DUZANT leur à laissé par testament ».

Déclaration de Jean Marie DUZANT – FSB 210

Et voilà, la boucle est donc bouclée, François DUZANT était bien le fils de Jean Baptiste Père !

On pouvait bien se douter que les enfants étaient ceux de François DUZANT et de l’esclave Marie Magdelaine, et avec ce document signé de la main de Jean Marie DUZANT, on en a la preuve. Mais en plus, on sait maintenant qu’ils descendent tous de Jean Baptiste DUZANT père et de Marie Magdelaine GRÉAUX, leurs grands-parents, par leur père et propriétaire, François DUZANT, frère de Jean Marie DUZANT, de Jean Baptiste DUZANT, et de Jacques DUZANT.

Je n’ai pas grand chose d’autre sur la pauvre Nancy, sinon qu’elle accouche d’une Marie Catherine le 5 avril 1814, baptisée le 28 mai suivant. A cette date antérieure à la manumission, elle était bien dite esclave de Madame Marie Magdelaine DUZANT. On peut penser que Calix PILET l’a bien faite libérer en 1823, même si ne n’ai pas pu trouver la confirmation pour l’instant.



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