Les Religionnaires Cévenols et Vivarois de 1687,

Dans un article précédent ( https://saintbarthislander.com/2022/08/20/la-liste-de-1686 ) , nous avions parlé d’un groupe de Huguenots Français embarqués à Marseille en 1686 ou 1687, et débarqués à la Martinique. Le document, intitulé « Rôole des Religionnaires arrivés à la Martinique dans les vaisseaux commandés par les capitaines Fiche et Patron de Marseille, destinés pour les isles ci-après nommées » laissait entendre que ces Protestants avaient été répartis entre la Martinique, la Guadeloupe, Marie-Galante, Saint-Martin et Saint-Barthélemy.

Ne trouvant aucune trace de ces colons dans des documents des îles du nord, nous n’avions pas la certitude de leur arrivée jusque sur nos îles. Peut-être étaient-ils restés à la Martinique ou avaient-ils été expédiés vers une autre île ?

Dans un courrier écrit le 31 juillet 1687 par le Chevalier de Saint-Laurent, alors Gouverneur de Saint-Christophe, on trouve une référence interessante à cette affaire. En effet, on peut lire :

« par ordre de Monsieur le Comte de Blenac, j’ai convoyé dix-huit religionnaires des Cévennes et du Vivarais à l’isle de Saint-Martin, et neuf à celle de Saint-Barthélemy. Il est à craindre que les Hollandais de Saint-Eustache et quelques Français Huguenots zélés, habitués dans les isles anglaises, ne les fassent enlever, quoique j’ai donné ordre à ceux qui y commandent, de faire tout ce qui dépendra d’eux pour l’empêcher, et d’arrêter les bâtiments étrangers qui y aborderont pour l’entreprendre. Je vous ai donné avis que la neutralité entre nous et les Anglais, en ce pays, avait été publiée ici, et que je l’ai fait observer, mais eux ne font pas de même. Ils donnent refuge, chez eux, indifféremment aux Huguenots et Catholiques qui se sauvent de notre quartier, les uns pour ne pas payer leurs dettes, les autres qui sont des engagés qu’on apporte de France aux isles pour servir trois ans. Je les ai demandés, mais les officiers de sa Majesté Britannique ne les ont point voulu rendre sous de méchants prétextes. Je crois être obligé de vous dire aussi, Monseigneur, que les Hollandais de l’isle de Saint-Eustache nous ont enlevé une grande famille de la religion en l’isle de Saint-Martin par un bateau qu’ils ont envoyé secrètement, et nous enlèvent aussi tous les jours de nos gens avec leurs barques qui viennent mouiller aux rades des quartiers Anglais de Saint-Christophe. Je les ai demandés au Gouverneur Hollandais qui me les a refusés, quoi que je lui aie fait savoir qu’ils étaient Catholiques et qu’ils s’évadaient pour frustrer leurs créanciers ».

Cette lettre nous donne un complèment d’information sur notre groupe de Religionnaires de 1687.

Avec la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV le 18 octobre 1685, les Protestants Français sont particulièrement persécutés. Certains quittent le territoire et vont se réfugier en Hollande ou en Suisse par exemple, d’autres, se convertissent au Catholicisme pour échapper à la répression, croyant ainsi pouvoir continuer à vivre en paix. Les fameuses « dragonnades » du début des années 1680 vont trés durement frapper ces populations car les autorités doutent vite de la réalité de ces conversions.

Il apparaît qu’au moins trois convois de Religionnaires sont partis de Marseille à destination des îles en 1687 et celui qui nous intéresse ici, est le deuxième départ vers la Martinique.

Ces gens, on les a amenés, de leurs montagnes par la force, après leur avoir pris leurs biens et détruit leurs maisons. Ils ont perdu leurs familles, leurs amis, et, c’est enchainés comme de dangereux criminels, qu’ils sont d’abord transportés jusqu’à Marseille où ils attendent, enfermés, d’embarquer à destination de la Martinique. On imagine alors les conditions de leur traversée vers les Antilles, l’état d’abattement dans lequel ils ont dû arriver à destination. On peut ainsi parler du premier convois parti de Marseille le 12 mars avec près de 200 Protestants amenés du Gard, mais aussi de Montpellier, Montauban, du Poitou et du Périgord. Arrivé aux abords de la Martinique, le navire s’écrase contre les rochers aux alentours du Vauclin, le 24 mai, soit plus de deux mois après son départ !

Les Protestants partis de Marseille en 1687 sont donc bien arrivés dans nos îles cette année-là. On comprend même qu’ils ont d’abord été envoyés à Saint-Christophe, puis, de là, séparés en deux groupes, comme prévu, vers Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Dix-huit sur les vingt-trois notés pour Saint-Martin, et neuf, sur les dix, pour Saint-Barthélemy.

Que sont devenus nos Protestants Cévenols et Vivarois, coupables d’avoir continué de pratiquer la « religion prétendument réformée » ?

Où sont-ils passés, nos Cévenols et nos Vivarois ?

Enlevés par des Anglais ? Évadés par des Hollandais ? Passés en Amérique, retournés en Europe ?

Ils n’ont pas laissé de traces sur nos rivages, mais ils y sont pourtant bien passés !



Catégories :1686, 1687, HUGUENOTS, Premiers habitants, PROTESTANTS

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