Travailler sur la généalogie première de la famille GARRIN a été particulièrement compliqué tant les lacunes étaient nombreuses .
Tout se rapporte à un Edouard GARRIN pour lequel nous n’avons aucune filiation, qui serait né, en fonction des actes, entre 1806 et 1816. Un Edouard GARRIN qui a onze enfants avec quatre femmes différentes dont les prénoms ou les surnoms changent souvent, entre 1826 et 1860.
Notre Edouard GARRIN vit au quartier de Lorient, il sait lire et écrire, et semble faire parties des personnalités de ce quartier. On peut noter qu’il intervient comme témoin dans de nombreux mariages, baptêmes ou actes de décès, et semble proche de plusieurs familles de personnes de couleur dans le quartier de Lorient principalement, libres ou esclaves, et d’ailleurs, trois des femmes avec lesquelles il a des enfants sont des femmes de couleur.
Edouard GARRIN a un premier enfant, Joseph Edmond GARRIN qui nait le 26 janvier 1826 et dont la mère est une Anne Marie PAUL. Il n’y a pas de filiation établie pour cette dame, mais je pense qu’elle est la fille d’Eugene PAUL et de Harriet, vraisemblablement d’anciens esclaves à Lorient. Joseph Edmond épousera Marie Célestine LABASTIDE en 1869, mais aura un enfant naturel non reconnu avec Suzanne LAKE en 1876.
Dans les années qui suivent, Edouard GARRIN va avoir plusieurs enfants avec une Marie Françoise « Mélanie » HILAIRE sans qu’ils soient mariés. On la trouve tantôt sous un prénom, tantôt sous l’autre, avec ou sans nom de famille. Je pense qu’elle est une fille de Jean Baptiste HILAIRE et de Catau DUZANT, sans doute anciens esclaves ou descendants d’esclaves, possiblement, de Victor DUZANT.
Marie Louise qui nait vers 1830, épousera, en 1868, un Jean François dit LÉDÉE ou MUTREL dont la mère au moins est une esclave.
Louis Edouard qui nait vers 1838 et reçoit le baptême le 15 novembre 1840, qui épousera Clarice dite Marie Jeanne GAUTHIER en 1873, elle aussi une descendante d’esclave.
Marie Catherine, vers 1838, elle épousera Gustave BENJAMIN en 1865, fils d’esclave, né esclave.
Alexandre en mai 1839, baptisé le 15, novembre 1840
Jean Baptiste le 27 décembre 1844, baptisé le 28 avril 1845,
Marie Françoise née en décembre 1846, baptisée le 18 avril 1847,
Nicolas Blaise né le 5 janvier 1849 et baptisé le 5 aout 1849 qui semble vivre une partie de sa vie à Montserrat.
Marie Françoise « Mélanie » décède le 13 novembre 1850, et Edouard GARRIN semble se retrouver seul avec ses enfants.
Il a un neuvième enfant en 1857, Anne Claire « Honorine » avec Elisabeth BERNIER. Elle épousera Hippolyte Alexis BRIN en 1878.
Elisabeth BERNIER est née au quartier de Marigot sur notre île le 19 mars 1820, fille de Nicolas « Molio » et de Marie Anne LÉDÉE. On peut noter qu’en 1864, Edouard GARRIN épouse Elisabeth BERNIER après un combat juridique avec sa belle-mère qui refuse d’autoriser le mariage de sa fille pourtant déjà mère et âgée de près de quarante-quatre ans … Elisabeth est blanche, Edouard a eu des enfants avec des descendants d’esclaves et comme nous le verrons, il est dit homme de couleur.
Edouard aura encore deux autres enfants avec Adélaïde « Adela » DÉRAVIN, une fille naturelle que Jean François DÉRAVIN a eu avec une de ses esclaves, Marie JOSEPH. Adelaïde est la sœur d’Alexandrine DÉRAVIN dont nous avons déjà parlé. De cette union naissent Pierre Ernest, 1858 et Marie Antoinette, vers 1860, soit quatre ans avant le mariage d’Edouard avec Elisabeth. Peut-être aussi une raison supplémentaire pour que sa belle-mère refuse le mariage.
L’essentiel de ce qui vient d’être dit est déjà connu de ceux qui se sont intéressés à l’étude de cette famille. Mais qui sont les parents d’Edouard GARRIN ?
Nous allons commencer par sa mère pour laquelle nous avons, hélas, des informations contradictoires et parcellaires.
Dans le recensement de 1843, à Lorient, on trouve Edouard, âgé de 39 ans (né vers 1804), deux de ses enfants et Marie, sa mère, âgée de 58 ans, donc née vers 1785.
Dans le recensement de 1853, à Lorient, on trouve Edouard, âgé de 47 ans (né vers 1811), 8 enfants (tout n’est pas très clair en fait) et sa mère, Marie-Françoise, née à Saint-Martin et âgée de 72 ans (née vers 1781).
Pour le recensement de 1854, à Lorient, Edouard est âgé de 40 ans (né vers 1814), 8 enfants et sa mère, Marie-Françoise, âgée de 68 ans (née vers 1786)
Au recensement de 1863, Edouard est âgé de 52 ans (né vers 1811), 10 enfants (encore une fois rien n’est clair) et sa mère, Marie-Françoise, âgée de 78 ans née à Saint-Martin (vers 1785).
A son mariage avec Elisabeth BERNIER en 1864, il n’y pas mention de son père, et sa mère est dite Marie-Françoise.
En 1866, Edouard a 50 ans (né vers 1816). Elisabeth BERNIER fait son apparition dans la famille, âgée de 40 ans (née vers 1826). On y retrouve 7 enfants dont Honorine, et la mère d’Edouard, Marie Françoise âgée de 75 ans (née vers 1791).
La mère d’Edouard disparait du recensement suivant en 1869. D’après ce que nous venons de voir donc, sa mère est une Marie-Françoise, sans patronyme, née à Saint-Martin entre 1781 et 1791. On peut rajouter car c’est évident, que c’est une femme de couleur libre.
Le 28 juin 1851, dans un courrier adressé à la Cour de Justice pour une affaire de terrain qui l’oppose à Alexis CHARLOTTE, Edouard GARRIN écrit « ma mère, demoiselle Marion a accouché Madame Alexandre BRIN il y a 18 mois ». On en déduit que la mère d’Edouard est sage-femme, peut-être s’appelle-t-elle Marion, ou que c’est un surnom qu’on lui donne dans la famille.
Explorons la piste paternelle
Sur le recensement de 1835 de Gustavia, on trouve, sur le lot 137 appartenant à la succession d’Anne DUZANT, une Catherine PIMONT, femme de couleur âgée de 44 ans née à Saint Martin, et ses enfants, Bertrand GARRIN, âgé de 34 ans (né vers 1801), et Silvanie GARRIN, âgée de 25 ans, (née vers 1811), et nés tous les deux à Saint-Barth. Il doit y avoir une erreur quant à l’âge de la mère on s’en doute.
On trouve l’acte de baptême de Silvanie sous Marie Sylvie le 21 novembre 1807 à la paroisse de Lorient. Elle est née le 6 du même mois. Également, le baptême de Renette le même jour, née le 27 juillet 1805. Je n’ai pour l’instant pas trouvé l’acte de baptême de Bertrand, mais, comme le verrons plus loin, il est certain que les trois sont frères et sœurs.
Sur les deux baptêmes les parents sont Edouard GARRIN et Marie Catherine DUZANT. Ils sont tous les deux dits habitants de Lorient et « personnes de couleur, libres de naissance, elle est de couleur olivâtre ».
Bien évidemment cet Edouard GARRIN n’est pas celui qui nait vers 1806, mais très certainement son père, pour ne pas les confondre, je vais ajouter « père » après son nom. S’il est dit « libre de naissance » c’est qu’il est un homme de couleur. Je n’ai pour l’instant aucune autre information sur Marie Catherine DUZANT ou PIMONT, ni sur aucun de ses trois enfants. Je ne les retrouve sur aucun autre recensement, j’imagine qu’ils ont quitté notre île après 1835. Même si elle est sous PIMONT au recensement, sachant qu’il y a encore beaucoup de difficultés pour établir la filiation de nombreux DUZANT, sachant que Marie Catherine et les enfants vivent sur un lot appartenant à une Anne DUZANT et qu’elle est dite DUZANT sur les baptêmes, c’est bien de la même personne dont il s’agit à mon avis.
Nous allons maintenant préciser l’origine des GARRIN en remontant un peu en arrière.
Le 17 juin 1799, devant le notaire Bergstedt, « Jean Etienne BORNICHE, bourgeois et négociant en cette ile de Saint-Barthélemy, lequel reconnait par ces présentes avoir vendu, cédé, délivré et transporté des maintenant à toujours … au Sieur Bertrand GARRIN, Maître Tailleur, présentement résident à l’anse Saint-Jean, à ce présent et acceptant acquéreur pour lui, ses héritiers et ayants causes, une petite portion de terre sise au dit Anse de Saint-Jean, contenant quarante-huit pieds français de façades, et la profondeur marquée par le grand chemin et le petit créteau, bornée au nord par le grand chemin, au sud par ce petit créteau, à l’ouest par Mr Antoine GIRAUD … le tout pour le prix de vingt-sept Moedes ou de deux cents seize gourdes de onze escalins ».
Cette parcelle de terre doit-être un morceau de la concession que Jean-Baptiste BORNICHE avait obtenue de Mr Descoudrelles en 1767, et confirmée par le Baron RAYALIN en 1786 (voir article sur les BORNICHE).
Le 17 janvier 1803, devant le notaire Bergstedt est signé la procuration suivante « fut présent le Sieur Bertrand GARRIN, tailleur résident en cette Isle au quartier de Saint-Jean, lequel a fait et constitué pour son procureur général et spécial le nommé Edouard, mulâtre libre, son fils naturel résident en cette Isle, auquel il donne pouvoir de, pour lui, en son nom, gérer et administrer tous les biens qu’il a en cette colonie, recevoir les sommes qui peuvent lui être dues à tel titre que ce soit, … à son grand avantage, la maison qu’il occupe et lui appartient au dit quartier de Saint-Jean et celle construite sur partie d’un terrain qu’il possède appartenant au Sieur COLLIN, habitant de la Guadeloupe et duquel il est fondé de pouvoir dans lequel il subroge le dit Edouard, lui faire passer à la Martinique suivant l’avis qui lui sera donné par le constituant le montant des dits loyers ou le tenir à sa disposition et généralement faire pour ses intérêts et le constituant à l’égard des dites maisons et terrains tout ce qu’il ferait présent sur les lieux … ».
On apprend donc qu’un Bertrand GARRIN, tailleur, possède,dès 1799, un terrain à Saint-Jean, construit d’une maison qui lui appartient, et d’une autre qui appartient à un Mr COLLIN de la Guadeloupe. Bertrand GARRIN reçoit un loyer de Mr COLLIN pour l’emplacement qu’occupe sa maison sur son terrain. On apprend aussi que Bertrand GARRIN est le père naturel d’Edouard GARRIN « père », et que ce dernier est mulâtre. On en déduit que Bertrand GARRIN est un homme blanc. On comprend aussi que Bertrand GARRIN semble envisager aller vivre en Martinique car c’est là qu’Edouard GARRIN « père » doit lui faire parvenir le montant des loyers.
Le 28 janvier 1806, « Edouard GARRIN donne procuration à Mr Jean Louis L’ORANGE afin de le représenter en sa qualité de chargé de procuration de Mr Bertrand GARRIN, par devant le Conseil Royal de cette Isle, à l’effet de pour et au nom du dit Sieur Bertrand GARRIN, poursuivre le recouvrement d’une somme due à ce dernier par Mr Henry COLLIN… ».
Le même jour, Jean Louis L’ORANGE écrit la pétition officielle « Supplie humblement Edouard GARRIN homme de couleur libre demeurant au quartier de Saint-Jean, agissant au nom de Mr Bertrand GARRIN de l’Isle de la Martinique comme chargé de sa procuration. Disant qu’il est dû à son constituant par un certain Mr Henry COLLIN, une somme de près de 800 Livres, autrement, 88 Gourdes 9 escalins, tant pour balance du compte que pour les rentes d’un terrain qui appartenait ci-devant au dit Sieur Bertrand GARRIN et présentement au suppliant sur lequel terrain le dit Sieur Henry COLLIN a fait bâtir une petite maison ».
On apprend ici qu’en 1806, Bertrand GARRIN n’habite plus à Saint-Barthélemy mais qu’il est à présent en Martinique, et que c’est Edouard GARRIN « père » le nouveau propriétaire du terrain à Saint-Jean (il semble qu’il en soit le propriétaire depuis février 1805). On notera encore qu’Edouard GARRIN « père » est dit « homme de couleur libre ».
Le 25 janvier 1810, Edouard GARRIN « père » écrit lui-même (semble-t-il) au Gouverneur une demande d’autorisation pour continuer à fabriquer et vendre du pain et « détailler les comestibles » à la campagne. Cela nous permet d’apprendre qu’en plus d’être cultivateur, il était boulanger et tenait une petite épicerie de quartier.
Le 22 mars 1845, sur l’île de Trinidad, Edouard GARRIN « père » rédige « Je déclare par ce présent, étant malade dans la ville de la Trinité ne pouvant pas marcher pour voir à mes affaires, j’envoie mon pouvoir à mon fils nommé Agnus GARRIN résidant à Saint-Barthélemy, de vendre ma propriété dans le quartier de St-Jean de la même Isle qui renferme un terrain qu’il est en droit et autorité de disposer à son goût par mon fondé de pouvoir ».
C’est la dernière fois qu’on entend parler d’Edouard GARRIN « père » qui doit sans doute décéder sur l’île de Trinidad. Agnus, c’est le surnom donné à Edouard GARRIN « fils ». On peut noter ici qu’il y aura ensuite plusieurs procès. Contre Jean-Louis L’ORANGE qui n’a pas versé à Edouard « fils » les sommes qu’il avait récupéré pour son compte et dues par Henry COLLIN. Finalement, Edouard « fils » est dépossédé de sa maison par une sombre magouille entre plusieurs habitants de Saint-Jean.
Il semble que la boucle soit bouclée, et nous pouvons affirmer que Bertrand GARRIN, Maitre Tailleur est le père d’Edouard GARRIN « père », commerçant et boulanger à Saint-Barthélemy.
On ne connait pas le nom de la mère d’Edouard GARRIN « père », mais c’est une femme de couleur.
Edouard GARRIN « père » et Marie Françoise sont les parents d’Edouard GARRIN « Agnus » qui était, jusqu’à présent, le seul GARRIN connu comme ancêtre des GARRIN de notre île.
D’où venait Bertrand GARRIN ? Un aimable lecteur a trouvé la réponse. Bertrand GARRIN décède à Saint-Pierre, paroisse du Mouillage, à la Martinique le 20 décembre 1823 à l’âge de 79 ans, et, d’après l’acte, ancien marchand tailleur, né dans les Landes à Amou, paroisse Saint-Pierre, fils de Jean GARRIN et de Jeanne MOLAS.
Après une recherche dans les registres d’Amou on y trouve bien notre Bertrand GARRIN né le 10 décembre 1744. On peut noter que son père aussi était tailleur d’habits.
On pourra noter qu’il y a des GARRIN à Trinidad dès avant l’installation présumée d’Edouard GARRIN « père » (avant 1845) dans cette île. Existait-il un lien entre ces GARRIN qui pourrait expliquer qu’il aille y vivre et y finir ses jours ?
La descendance de Bertrand GARRIN est très grande aujourd’hui.

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Henry COLLIN pourrait être Henry COLLIN dit Robert ECK, époux de Marie DALBON. Il s’est marié à Pointe-à-Pitre le 21 mai 1785.
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Possible mais je n’ai rien du tout sur lui en dehors de cette affaire
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Bertrand GARRIN est bien décédé en Martinique. Il est mort à Saint-Pierre, paroisse du Mouillage le 20 décembre 1823
http://anom.archivesnationales.culture.gouv.fr/caomec2/osd.php?territoire=MARTINIQUE&commune=SAINT-PIERRE%20LE%20MOUILLAGE&annee=1823&typeacte=AC_DE
Vue 57 – acte 97
Il est ancien marchand tailleur, âgé de 79 ans, natif de la commune de Saint-Pierre, Damon, département des Landes, fils légitime des feus Jean GARRIN et Jeanne MOLAS
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Excellent !
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C’est en effet un natif d’Amou dans les Landes, né le 10/12/1744 et un fils de mes Sosas 402 et 403 Jean Garrin et Jeanne Molas.
Merci pour toute l’histoire des GARRIN en Martinique
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