La succession de Joseph RICHARDSON

Cet article fait suite à l’article Le meurtre de Joseph RICHARDSON

Le 21 juillet 1821, 17 jours après son meurtre, on procède à l’inventaire des biens de la succession de Joseph RICHARDSON. Sa mère, Mary Louisa, et Samuel, son frère consanguin, sont présents.

En lisant ce qui va suivre, n’oubliez pas que nous ne sommes qu’en 1821, et que les gens ne pensent pas comme aujourd’hui. Le racisme est non seulement accepté, mais sans doute normal pour la plupart des gens. Des faits et des situations vont vous choquer, mais nous ne sommes pas là pour les juger, seulement pour apprendre et raconter.

Le premier article de la succession, c’est un esclave, Jack, âgé de 40 ans et né en Afrique, évalué à quatre-vingt dollars.

Puis il y a un long inventaire d’articles divers qui se trouvent dans le magasin du défunt. Des tissus, du drap, du velours, des cotonnades, des chemises, des vestes de marin, des gilets (Marseille waistcoat), des mouchoirs, des pantalons, du fil, des boutons. Il y a aussi un cheval noir évalué à 90 dollars. L’inventaire n’est pas fini le jour même (tout est méticuleusement mesuré, noté, évalué et cela prend beaucoup de temps) et c’est Samuel qui a la garde des effets et documents.

Le 6 août, on reprend l’inventaire. On arrive à une malle que Samuel déclare avoir ouverte le jour du décès, en présence de la femme de chambre, Betsy BARTLET, de Theresa HAZEL et de Richard WRIGHT (tous de couleur libre).

Il y avait dedans (qu’il a utilisé en partie pour payer l’enterrement et la nourriture du cheval) cinquante huit dollars. Mais, d’après Mary Louisa sa mère, il y aurait dû avoir plus d’argent, car elle l’entendait compter son argent tous les jours. Cette déclaration est confirmée par Margaret RICHARDSON (nous l’avons déjà rencontré il  y a longtemps, souvenez vous, c’est la mère des enfants de John GUYER ! John GUYER, citoyen Américain d’Annapolis). En effet, elle se rappelle qu’il y a quatre mois environ, Joseph avait montré à la mère de ses enfants, Minerva HARFS ?? de Saint-Martin, et qui était ici à ce moment là, un sac contenant vingt-neuf doublons, deux pièces de huit dollars, et environ vingt dollars Espagnols qu’il avait exprès économisé, pour acheter la liberté de ses enfants esclaves.

James ALDIGE, son bras droit, ajoute que c’est lui qui habituellement allait collecter les sommes dues, et qu’il avait, une quinzaine de jours avant sa mort, ramené cent vingt six dollars et que, d’après ses estimations, Joseph aurait dû avoir environ quatre cent Dollars chez lui. Il ajoute aussi que le défunt avait prévu d’aller à Saint-Martin après la fête du 4 juillet pour aller racheter deux de ses enfants.

Betsy, la femme de chambre, conteste. D’après elle, il n’avait pas autant d’argent. Elle se rappelle qu’il avait un peu d’or il y a quelques mois, mais elle ne sait pas ce qu’il en a fait. Elle ajoute que quelques jours avant sa mort, il était sorti avec deux petits sacs d’argent, mais elle ne sait pas dans quel but. Elle sait aussi qu’il était en affaire avec Joseph CREMONY, un homme de couleur libre, et qu’il y avait, dans son magasin, du beurre, du saumon, du maïs et aussi une pipe de vin rouge qui lui appartenaient. Ces marchandises ont entre temps été apportées chez Mary Louisa.

Dans une autre malle, il y a quelques petites affaires (boutons, bas en soie) et quelques documents dont un livre de sommes dues, ou à payer, dont il va falloir vérifier s’il est à jour.

Puis Mary Louisa indique que Clarence, une esclave appartenant à Jimmy HODGE, a vu qui a pris l’argent dans la caisse. On l’envoie donc chercher immédiatement.

Elle dit alors que, le jour du décès,  après que le corps ait été ramené à la maison de sa mère, et alors qu’elle se tenait à une fenêtre de la maison du défunt qui se trouve dans la même cour, elle a entendu quelqu’un ouvrir une malle et entendu qu’on touchait à de l’argent. En espionnant par la fenêtre, elle vit une mulâtresse brune qui se tenait devant une malle dans la chambre de Joseph avec quelque chose sur ses genoux avec quoi elle est sortie. Elle ne l’a vue que de dos, mais elle est sûre que ce n’est pas la sœur de Joseph. Elle ajoute aussi, qu’au son lourd qu’elle a entendu, cela ne pouvait être que des dollars !

Betsy, qui avait la garde des clefs ce jour là, jusqu’à ce qu’elle les remette à Samuel, dit qu’elle n’est pas du tout au courant de cette histoire.

N’ayant plus rien à ajouter, l’inventaire est clos en attendant la vérification des sommes dues et à payer.

Mais Mary Louisa , avant que l’assemblée ne se sépare, déclare qu’elle souhaite que le solde de la succession soit entièrement employé à l’achat de la liberté des enfants de Joseph, à savoir, Augustus, Louisa et Ophelia qui appartiennent à Mrs HARFS ? et Joe, qui appartient à Madame DURAT, tous se trouvant à Saint-Martin.

Le 14 aout, on se réunit au bureau de Carl Wilhelm THENSTEDT, le notaire. Sont présents, Mary Louisa, Samuel et Margaret RICHARDSON, Betsy BARTLET, et Joseph SERGENT (tous de couleur libre, c’est bien précisé) et James CHARLOTTE et Richard DUFFIELD en tant qu’estimateurs, et John William POTTER représentant la cour en tant que témoin. Il est aussi indiqué là, dans la marge, que Betsy est l’esclave de Madame NEALE de Nevis, et que Minerva est l’esclave de Mrs HARFS ?

Le notaire commence par dire que le 6 août, après la fermeture de l’inventaire, la dite Betsy est venue lui apporter quarante huit Dollars courant et que la somme a été remise au caissier de la ville, James CHARLOTTE. Il semble que l’intervention de l’esclave Clarence a fonctionnée.

Puis, il ajoute que Mary Louisa lui a apporté deux montres. Une dite « Française » en or, estimée à vingt cinq dollars, et une autre dite « Française » en argent, estimée à vingt dollars.

Joseph SERGEANT a rapporté une pipe de vin de Lisbonne estimée à quarante dollars. Il doit aussi (après un savant calcul) encore presque vingt huit dollars à la succession.

Mary Louisa indique avoir envoyé à Francis RICHARDSON, un autre de ses fils résidant à Anguilla, une chèvre noire en paiement de trois moutons que Joseph lui devait.

Il y a encore quelques autres articles rapportés, dont un chapeau militaire avec plume et garnitures, une paire de bonnes chaussures, une brebis, un agneau (mais celui-ci est réclamé par Betsy comme lui appartenant) pour une vingtaine de dollars.

Samuel déclare avoir emprunté un pantalon et une veste après le décès, et qu’il va les payer pour une valeur de huit dollars.

Minerva finalement, donne une chaine en or estimée quatre dollars et qui appartenait au défunt mais qu’il avait toujours dit qu’il donnerait à sa fille.

Le total des dettes dues par la succession se monte à neuf-cent-quatre-vingt-trois dollars, les dettes qui lui sont dues, à seulement trente cinq dollars (on peut noter que les frais de l’enterrement s’élèvent à deux cents dollars …)

La balance de la succession est de trente huit dollars.

Samuel RICHARDSON et son épouse Penelope SIMMONS « Sambo libre » née à Saint-Thomas en 1797, auront au moins deux enfants. Ils font baptiser leur premier garçon « Joseph » le 30 juillet 1821, seize jours après le crime, à l’église Luthérienne de Gustavia.

Je ne sais malheureusement pas ce qu’il advient des enfants de Joseph, mais j’ai trouvé l’estimation, par le Comité d’Emancipation et d’Evaluation des esclaves en 1846, d’une Ophélia RICHARDSON née vers 1816 et esclave de Margaret RICHARDSON. En 1852 elle habite toujours avec elle, il semble qu’elle soit boulangère à Gustavia. Pourrait-elle être la fille de Joseph ? Aussi bizarre que cela puisse paraitre à nos yeux, c’est malheureusement fort possible.



Catégories :esclavage, RICHARDSON, SLAVERY, Uncategorized

2 réponses

  1. How do I get a password? Do I have to make a new one? Help.

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