L’histoire ci-dessous se passe à Gustavia en 1821. Elle est violente, non seulement car des hommes se battent au sabre, mais aussi et surtout, car elle montre les tensions entre les blancs et les noirs libres. Elle nous parle aussi des terribles réalités de l’esclavage. J’ai recopié verbatim, ou presque, des documents d’époque, et volontairement laissé le terme de « nègre » lorsqu’il est utilisé dans le texte. J’ai pensé qu’il avait son importance, qu’il participait à rendre l’horreur de la situation.
J’avoue que l’histoire est un peu compliquée à suivre, mais elle nous permet d’entrevoir un peu ce que pouvait être la vie à Gustavia à cette époque, et de remettre certaines choses en perspective. La société est partagée en groupes sociaux rivaux qui interagissent, ou peuvent s’opposer, selon les moments. Il y a une hiérarchie évidente, et qu’ils soient libres, commerçants ou artisans, les noirs doivent rester à leur place. Sans parler des esclaves, qu’on n’hésite pas à faire témoigner au tribunal, ou séparer de leurs parents, voir, à leur revendre. Gardez bien à l’esprit que tout ceci c’est passé il y a deux cents ans, et que l’abolition de l’esclavage n’interviendra que vingt-six ans plus tard
LES PROTAGONISTES
Vous croiserez de nombreux personnages portant des noms disparus aujourd’hui à Saint-Barthelemy, mais je n’ai malheureusement pas d’informations sur tous. Ci-joint un petit tableau récapitulatif sur les protagonistes de cette histoire. On peut noter, et je pense que cela permet de mieux comprendre ce qui se passe, que Peter PETERSEN, le major de la milice, est lié intimement à plusieurs des officiers blancs. Robert est son frère, et leur soeur, Eliza, est l’épouse de Richard DINZEY (en 1822). Une autre soeur, Angelina PETERSEN, épousera (vers 1827) William BONNET, fils de Samuel Augustus. Egalement, Richard DINZEY loge chez BONNET. Rajoutons que les DINZEY, VAUGHAN, HADDOCKS, BEAKS et WINFIELD sont tous originaires de Saba.
Le 4 Juillet 1821, est organisé un rassemblement des quatre milices de l’ile en l’honneur de l’anniversaire de son Altesse Royale le Prince de la Couronne. A cette occasion, la batterie « Gustaf Adolf » est rebaptisée « Oscar ». Le Gouverneur, Johan NORDERLING, fait servir un petit-déjeuner aux quatre compagnies de la milice rassemblées ce jour là (du Vent et de Sous le Vent, et les deux compagnies de la Ville), sous des tentes mises près de la grande batterie. Lors du deuxième rassemblement, après les rafraichissements, les esprits s’échauffent entre des miliciens de couleurs et l’orchestre de la milice, et, le Caporal de la milice des gens de couleur, Joseph RICHARDSON, est tué d’un coup reçu d’une arme tranchante.
Mécontent de la manière avec laquelle le meurtre de son frère est traité par les autorités locales, et, probablement durant l’année 1822, Samuel RICHARDSON, son frère, envois une jolie lettre de six pages au Roi de Suède. Sa plainte, rédigée en Anglais, est reçue à Stockholm le 4 Janvier 1823. D’après la signature de la lettre non datée que j’ai comparée à un autre document, il est, me semble-il, possible d’affirmer que Samuel a pu écrire lui-même cette lettre. Samuel et son frère Joseph sont tous les deux nés à Anguilla et sont artisans, le premier charpentier, le deuxième, tailleur d’habits. Dans sa lettre, il est évident que Samuel met en avant le racisme du Gouverneur en particulier, et celui des blancs en générale, comme raison principale de l’echec de l’enquête. C’est une volonté de ne pas vouloir chercher et retrouver le coupable, car, c’est ce que Samuel pense, il est blanc.
LA LETTRE DE SAMUEL RICHARDSON

L’introduction est très jolie, très réfléchie, et nous ne sommes qu’en 1821.
« Bien que séparés de notre cher et aimé souverain par l’immense océan, nous sommes néanmoins convaincus dans nos cœurs, non seulement de sa grande douceur et de sa bonté paternelle, mais aussi de sa justice impartiale pour tous ses sujets en général, qu’ils soient riches ou pauvres, ou de couleur différente, sachant bien que nous tous, hommes blancs ou noirs sommes la création du même Dieu.
Le 4 Juillet 1821, lors des célébrations de l’anniversaire du Prince Royal, la deuxième compagnie de la milice de la ville, après avoir été renvoyée, s’est retrouvée (ainsi que je le pense) sous l’influence de l’alcool (donnée par le Gouverneur) à se quereller avec l’orchestre, en conséquence de quoi une bagarre commencée par des personnes blanches (ainsi qu’il se dit) de la manière la plus violente envers les autres, et en conséquence de quoi, Joseph RICHARDSON (mon infortuné frère) fut tué, et quatre ou cinq autres personnes de couleur blessées ».
Toutes les personnes impartiales avaient des raisons d’espérer, un fois que ce fâcheux incident fut connu du Gouverneur, qu’une autopsie serait rapidement ordonnée sur le corps de Joseph RICHARDSON. Mais, à la surprise et au plus grand étonnement de l’ile, ce ne fut fait que le lendemain à quatre heures de l’après midi, lorsque le corps était déjà en putréfaction (à cause du climat) ».
La lettre continue, mentionnant que plusieurs personnes de couleur ont envoyé une pétition au Gouverneur pour lui rappeler qu’une autopsie devait être faite avant que le corps ne soit enterré « afin de déterminer quel type d’instrument ou d’arme avait causé l’accident mortel ». La pétition ne changea rien « au contraire, il me traita ainsi que les autres signataire, comme des rebelles et des conspirateurs, et le Gouverneur ne fit plus rien d’autre jusqu’à ce qu’enfin l’affaire fut entendue par la cour de justice »
Samuel pensait que les choses avanceraient rapidement en raison du sérieux et de la nature de l’affaire. Pour accélérer le développement, il rassemble lui-même vingt-quatre témoins qui s’étaient trouvés à proximité de Joseph RICHARDSON « lorsqu’il tomba raide mort ». Quand finalement l’affaire doit-être entendue, « elle est repoussée de jour en jour quatorze ou quinze fois, et, finalement, le 7 Septembre de la même année, définitivement classée … ».
Samuel poursuit, déclarant que durant tout ce temps, pas un seul témoin n’est appelé à la barre « il n’est pas étonnant alors, si la vérité n’a jamais pu être établie. »
« Depuis le début de cette terrible affaire, et jusqu’au 7 Septembre, le Gouverneur a très négligemment traité tout ça … jamais son comportement n’a été aussi clair que lors de la dernière audience, lorsque Peter PETERSEN (son ami confidentiel) a confirmé devant le tribunal, qu’il avait mis son épée contre le ventre de Joseph RICHARDSON et qu’il l’avait lâchée lorsqu’il est tombé – à partir de ce moment, il ne demanda plus aucune enquête et jeta l’affaire aux oubliettes ».
Samuel considère que « de l’opinion de la plupart des hommes éclairés de cette ile, l’affaire a été négligée et mise de côté, et que ni le juge ou les autres membres du tribunal n’ont fait ce qu’ils devaient pour relancer l’enquête, et la mener à une décision finale. » Donc, non seulement le Gouverneur est responsable, mais les membres du tribunal aussi.
« Je prie humblement que votre Majesté ordonnera gracieusement que l’affaire soit ré ouverte et menée à son terme – et que Mr Peter PETERSEN (qui selon les minutes de la cour a admis être coupable d’avoir levé son épée sur Joseph RICHARDSON avant qu’il ne tombe) soit arrêté et détenu, avant que son innocence ne soit prouvée ».
Samuel conclut avec cette grave affirmation « les fautes les plus graves de la première autorité de cette ile dans ce présent cas, je prend ici la liberté (en même temps) de mentionner que les même négligences et retards (dans la plupart des cas similaires) ont été observés depuis l’administration du présent Gouverneur ».
On ne sait pas si le Roi a répondu à Samuel RICHARDSON, néanmoins, il envoie une lettre au Gouverneur le 13 janvier 1823, soit neuf jours seulement après l’avoir reçue. Les instructions semblent demander au Gouverneur qu’il s’explique sur l’affaire. Celui-ci envoie sa réponse au Roi le 5 Mai et elle est reçue en Suède le 13 juillet 1823.
LA LETTRE DU GOUVERNEUR
On peut noter ici que le Gouverneur Johan NORDERLING, qui avait été notaire et juge lors d’un premier séjour sur notre ile (1788-1798), prend ses fonctions de Gouverneur en aout 1819. Cela fait donc presque deux ans qu’il est en charge ,lorsqu’a lieu le drame qui nous occupe. En septembre 1821, un ouragan ravage l’île, et on peut imaginer que le Gouverneur est occupé à d’autres choses. Mais cela dédouane-t-il le Gouverneur pour autant ? Le racisme et les préjugés du Gouverneur, qui sont documentés par differents courriers et plaintes au roi, ne sont-ils que le reflet d’une époque ?

La lettre commence ainsi « J’ai l’honneur de vous envoyer les minutes du Conseil regardant l’affaire du « nègre » RICHARDSON », et continue avec sa version des faits : « Je prie votre Majesté de croire que moi-même et le Conseil avons fait tout ce qui était possible pour découvrir le meurtrier, ou, s’il ne mérite pas ce nom, celui par qui, soit en se défendant ou pour arrêter la fureur du défunt, le malheureux coup fut donné ». Il est clair que les faits ne sont pas présentés de la même manière. Il continue en expliquant la célébration de l’anniversaire, et qu’après le petit-déjeuner « la milice de la ville fut partagée et installée sur deux des trois batteries, comme le matin, et je suis allé à celle qui se trouve à l’entrée de la ville pour la baptiser Oscar. Mon discours terminé, la musique commença, mais quelques brutes de la compagnie des hommes de couleurs, supposés se trouver sur la batterie Carl, arrivèrent en se plaignant que l’orchestre n’était pas avec eux. Excités par l’alcool, ils commencèrent à se battre avec les musiciens ».
Le Gouverneur donne alors des ordres pour terminer le rassemblement et aperçoit un groupe de gens de couleur agités « colère ou alcool » tenant le défunt. Il les laisse, pensant que tout est terminé, mais quelques minutes plus tard, on vient lui dire que RICHARDSON est « en train de mourir d’un coup d’épée ou de baïonnette ». Quand il le trouve dans une maison proche, il est presque mort déjà, et on lui dit que RICHARDSON a échappé à ses amis et son frère, et que, rejoignant la foule, il a reçu un coup.
« Il y avait bien des suspects, mais rien de suffisamment sérieux » et il clôt l’affaire en l’absence de preuves.
Le Gouverneur continue, déclarant qu’il n’avait pas réalisé que « les parents et les amis du mort, ou les gens de couleur en général, étaient mécontents de la manière dont l’affaire avait été traitée par le Gouvernement et le Conseil ». Il désigne la famille BIGARD comme responsable d’avoir agité les gens de couleur, et il s’étonne que des gens envoient des lettres au Roi pour se plaindre. Il finit en écrivant « de toutes façons, les gens de bien étaient toutes de mon côté ».
La lettre est suivie par la compilation des minutes du Conseil. Des témoignages faits en Suédois, en Français ou en Anglais, tous, allant dans le sens du Gouverneur. Les auditions sont étalées sur plusieurs jours, et on sent bien, en lisant les comptes rendus, que tout est très confus, pas clair du tout, et souvent contradictoire.
LES LIEUX DE LA BATAILLE ET DU CRIME
L’action se déroule au croisement des rues actuelles ATWATER et Victor SCHOELCHER.




LES MINUTES DU PROCÈS
Le Docteur Abraham ARMSTRONG « … J’y suis allé ce soir-là et le lendemain et j’ai examiné le corps et les vêtements. La blessure faisait un pouce entre la quatrième et la cinquième côte gauche et entrait obliquement dans le thorax, ce qui a dû causer une hémorragie interne et la mort ... ». (Dans le livre de Per TINGBRAND, il est dit de lui qu’il est condamné en décembre 1823 pour avoir provoqué en duel Peter PETERSEN, puis, en 1830, comme instigateur de la rebellion des mulatres, pour l’avoir traité de poltron en public).
Joseph JOANNIS, homme de couleur libre, cordonnier à Gustavia dit qu’il a été agressé par Mr WILLIAMSON pour avoir joué trop de musique pour les blancs. Puis, plus tard, sortant de chez Peter PETERSEN et de chez Richard DINZEY où il avait joué de la musique, il dit qu’il est attaqué par BALBORDA armé d’un sabre, et qu’il doit se protéger avec sa clarinette, puis, attaqué par Cornelius HAZELL armé d’une baïonnette et qu’il reçoit deux blessures légères à la tempe. Il est saisi par BRIDGEWATER, John JONES, HALEY et ANDREW « Sous prétexte qu’il était l’assassin », puis que ceux-ci le relâchent, puis reviennent et l’entraine en prison accompagné du Vice Fiscal HESSELGREN.
HESSELGREN déclare que BRIDGEWATER et John JONES lui ont dit que DINZEY avait donné l’ordre d’arrêter JOANNIS comme étant l’assassin de RICHARDSON, et de le mettre en prison. Qu’une fois reparti, BRIDGEWATER aurait été voir le geôlier pour lui demander de mettre le prisonnier aux fers, ce qui fût fait.
BALBORDA, entendu, nie avoir fait une telle chose et ajoute que tout le monde avait un sabre, y compris JOANNIS. Il dit qu’ils étaient une dizaine de la compagnie chez HADDOCKS et qu’ils ont bu quelque chose, et qu’en ressortant, il a entendu un des VAUCROSSON hurler qu’on ne voulait pas d’orchestre ici et qu’il y avait entre autres, SERRES et GOODCHILD, et que juste après la bagarre a commencé. BALBORDA ajoute que le Lieutenant HADDOCKS n’est même pas sorti de chez lui pour y mettre un terme et que tout le monde avait levé son sabre, y compris le dénommé JOANNIS.
Cornelius HAZELL nie également avoir utilisé sa baïonnette contre JOANNIS, mais confirme que ce dernier avait bien un sabre dans les mains.
Le Major de la milice, Peter PETERSEN déclare, qu’informé que l’orchestre était en danger, il s’est rué sur place depuis sa maison et qu’en arrivant il calma BALBORDA et lui prit son sabre. Il dit qu’ensuite il aperçu un groupe de musicien et RICHARDSON levant un sabre. PETERSEN lui demande alors s’il a l’intention de le frapper, et RICHARDSON lui répond « non mon Capitaine, je suis désolé, mais je viens de recevoir un coup ». Puis RICHARDSON qui saigne de la bouche s’effondre sur le sol. PETERSEN demanda aux officiers blancs de l’aider à porter le blessé – BEACKS et Richard DINZEY sont dans la bagarre – puis il se retira.
Abraham WILLIAMSON, un charpentier présent sur l’île depuis treize années et qui n’a jamais eu d’histoire avec qui que ce soit, dit qu’il avait eu des mots avec quelqu’un sur le fort, mais qu’il ne se rappelait plus de qui, et que JOANNIS avait pris ça pour lui et était remonté contre lui. Puis plus tard, ils s’étaient croisés. JOANNIS lui dit que ce n’était pas un jour pour se battre, et ils s‘étaient serré la main et séparés. Un peu plus tard, Abraham prend deux coups de sabre et il a deux blessures dont une un peu plus sérieuse. C’est August BONNET qui l’a frappé alors qu’il venait de rendre ses armes à Mr BAILEY. En rentrant alors chez lui, il avait croisé RICHARDSON qui se portait bien.
Daniel BRIDGEWATER, de Saint-Kitts, déclare qu’il a entendu une femme (il croit) crier dans la rue que JOANNIS était le meurtrier. Il nie l’avoir attaqué.
Edward JONES dit qu’il avait entendu BRIDGEWATER dire que JOANNIS avait tué RICHARDSON et qu’il avait aidé à son arrestation la première fois. Que la deuxième fois, c’est à la demande de HESSELGREN que lui, avec les deux hommes noirs Anthony CLARKSON et John FRANK, arrêtèrent le dit JOANNIS.
Abraham HALLEY, un pêcheur d’ici, confirme les dires d’Edward JONES et rajoute que BRIDGEWATER a bien indiqué que c’étaient les ordres de DINZEY.
Calixte PILET, un homme de couleur, musicien, dit qu’en sortant de chez Mr DINZEY, ils ont vu qu’il y avait une bagarre devant chez le Lieutenant HADDOCKS. Certains des musiciens, pour calmer tout le monde, décident d’aller leur jouer un air, mais, quelques instants plus tard, ils reviennent poursuivis par la Compagnie de couleur pour trouver refuge auprès de Mr SERRES, le maitre de musique. WILLIAMSON vient menacer JOANNIS avec un sabre, puis BALBORDA, aussi avec un sabre voulait frapper GOODCHILD. Calixte intervient et se retrouve projeté à terre. En se relevant, il voit alors PETERSEN qui tenait RICHARDSON par la main et à qui il demandait « Do you know me ? », et sans rien répondre, RICHARDSON tomba immédiatement après. Calixte pense qu’il avait reçu la blessure avant que PETERSEN ne lui parle. Il ajoute qu’il avait vu le musicien ANTONIO recevoir un coup de baïonnette dans la cuisse, ce que Mr PRINCE a vu aussi.
Samuel RICHARDSON, interrogé, dit que son frère est mort des mains de PETERSEN. Samuel dit qu’il avait prévenu son frère de laisser les officiers régler l’affaire plus tard et qu’il était parti. Puis revenu, il avait vu son frère entouré des officiers PETERSEN, VAUGHAN, BONNET et BEAKS chacun tenant son sabre. Il dit que lorsque son frère était intervenu dans la bagarre, un seul homme de couleur, HAZEL, était entouré de blancs, et qu’il n’avait pas entendu PETERSEN lui parler. Ayant ramené le corps de son frère chez le Lieutenant HADDOCKS, il avait entendu dire que BONNET avait demandé à la porte « is the rascal dead ? ».
GOODCHILD, musicien originaire de Sainte-Croix, répète la même chose que PILET. Il dit aussi avoir été violement frappé par la poignée d’un sabre sans savoir qui en était l’auteur. Immédiatement il sort son sabre pour se protéger, et PETERSEN arrive, suivi de BAYLEY, BEAKS et VAUGHAN. A contrecœur, il rend son arme à BAYLEY et rentre chez lui. GOODCHILD confirme que BALBORDA et WILLIAMSON étaient très agités. Il ajoute que tout ceci découle d’une jalousie envers les musiciens.
VAUGHAN, l’enseigne du bataillon de la milice dit qu’il était à table avec Mr PETERSEN lorsque Mr SERRE est arrivé en disant que l’orchestre et une unité de la milice étaient entrain de se battre. VAUGHAN et plusieurs autres officiers se précipitent alors derrière PETERSEN, et, en arrivant à l’endroit, ils trouvèrent les miliciens se battant avec sabres et mousquets avec déjà plusieurs blessés. Ils désarment BALBORDA puis GOODCHILD qui refuse dans un premier temps de donner son sabre. VAUGHAN dit qu’il vit arriver RICHARDSON, sans arme et apparemment très calme. Il ne sait pas s’il était déjà blessé. Quelques instants plus tard il le vit s’effondrer.
Edward BEAKS, adjudant de la milice de la ville, répète la même chose que VAUGHAN, ajoutant juste qu’il avait compris que la situation était grave, en voyant PETERSEN quitter la table en courant, sans son chapeau et sans son sabre.
Richard DINZEY, 3ème lieutenant de la deuxième compagnie dit qu’il rentrait de la Pointe à son logis chez Mr BONNET lorsque il est arrivé au lieu de la bagarre qui commençait seulement. JOANNIS et BALBORDA se battaient au sabre. Il a pensé qu’il y avait une querelle quelconque entre les musiciens et la deuxième compagnie, car ils se faisaient face des deux côtés de la rue. Il a essayé de désarmer les deux hommes, mais fut jeté à terre. Après avoir pris le sabre de JOANNIS, il vit BALBORDA parler violement avec le juge. DINZEY désarme ensuite HAZEL qui tient un sabre et une baïonnette et qui saigne de la tête. Puis il voit PETERSEN qui tient RICHARDSON par ses épaules pensant qu’il lui parle. Mais ensuite, RICHARDSON s’effondre. Il pense que PETERSEN ne pouvait pas avoir d’arme car il tenait RICHARDSON de ses deux mains. Un peu derrière se tenaient Thomas DINZEY son frère, et BONNET.
Louis SERRES le chef d’orchestre indique qu’après les festivités il est aller jouer de la musique chez PETERSEN puis chez DINZEY, et qu’en repartant, il a rencontré GOODCHILD qui lui dit que la milice avait insulté les musiciens. Peu après, la bagarre a commencé et il est parti prévenir PETERSEN. Il n’a entendu parler de la mort de RICHARDSON qu’une fois rentré chez lui.
Frédéric PRECOPS, un homme de couleur libre, musicien, raconte qu’ils étaient une douzaine à avoir joué chez DINZEY, et qu’en allant jouer chez PETERSEN, une dizaine les quittèrent pour aller vers chez Mr HADDOCKS. Arrivés devant chez Mr DUNKER, ils entendirent du bruit et en se retournant, ils virent une bagarre et RICHARDSON, BALBORDA, GOODCHILD, WILLIAMSON et JOANNIS avec leurs sabres, puis, quelques minutes plus tard PETERSEN et plusieurs officiers accoururent pour apaiser le tumulte. Il ne comprend pas ce qui a pu se passer, il n’a pas ressenti de tension entre l’orchestre et la deuxième compagnie lorsqu’ils étaient sur le fort Carl.
Nicholas Dawes BLYDEN était chez lui lorsqu’il a entendu des éclats de voix. Il est allé jusqu’à la maison de Mr NEVILLE, et là, il a vu tomber RICHARDSON devant la maison de DUNKER. Il n’a pas vu qui l’avait poignardé. Il a vu que BONNET était à proximité puis il pense avoir vu PETERSEN et VAUGHAN. Il est rentré chez lui immédiatement (chez Madame KEELING).
Le lieutenant John STEINMETZ confirme ce qui a déjà été dit, et que la 2eme compagnie avait fait la moitié du chemin jusque chez Mr CREMONY quand elle est rejointe par la Musique pour l’accompagner jusqu’au fort Carl, qu’il n’avait rien vu de la querelle, qu’il avait renvoyé la compagnie au niveau de la maison de Mr DUNCAN. Quand il a entendu des coups de feu sur le quai de Mr PETERSEN il y est allé, et, arrivé devant la maison de Mr DUNKER il a vu une unité en formation. Il leur demanda alors pourquoi ils s’étaient ainsi mis en formation, et ils lui répondirent que c’était pour tirer au dessus de la maison d’un ami. BALBORDA semblait être le meneur.
Le Gouverneur reproche alors à STEINMETZ de n’avoir pas dispersé les miliciens. Celui-ci répond que comme il l’avait déjà fait, il n’avait pas à le faire à nouveau. Le Major de la milice lui fait remarquer qu’ils portaient encore l’uniforme et qu’ils étaient donc encore soldats à ce moment là et qu’il était de son devoir de les disperser à nouveau.
Abraham WINFIELD, un marin, dit qu’il avait vu le défunt brandissant un sabre et un point en l’air face à un groupe de personnes. Avant ça, il avait vu WILLIAMSON et JOANNIS avoir des mots, puis il est parti, avant l’arrivée des officiers blancs, et il est allé sur son bateau.
Peter SANCHO, un musicien, dit qu’en sortant de chez DINZEY et allant chez PETERSEN, il s’est retrouvé en arrière, seul avec GODET. Puis ils ont vu l’orchestre se battre avec la 2eme compagnie, BALBORDA, Cornelius HAZEL et d’autres qu’il a oubliés, attaquaient JOANNIS qui saignait déjà. Il a vu des sabres voler, puis entendu un corps s’effondrer et il est parti.
John GODET, un musicien, répète la même chose que SANCHO. Il ajoute que HAZEL donnait des coups de baïonnette en pointant son mousquet sur JOANNIS. Il a vu PETERSEN sans armes et sans chapeau, parler en privé à RICHARDSON qui saignait déjà. Pour lui, aucun des officiers blancs n’avait une attitude menaçante envers Joseph.
Augustus BONNET était à table avec PETERSEN quand il a entendu qu’il y avait comme une émeute. GOODCHILD lui dit que la compagnie de couleur était entrain d’assassiner les musiciens et qu’il priait les officiers de venir apaiser le tumulte. BONNET dit qu’il prit son chapeau et son sabre et se rendit sur place avec les officiers, c’est à dire devant la maison de CREMONY. Arrivé sur place il vit HAZEL qui attaquait TREFFENBERG avec son mousquet sur lequel était montée une baïonnette. TREFFENBERG saisit la baïonnette avec une main, et le mousquet avec l’autre. A ce moment là, voyant qu’il ne pouvait plus blesser TREFFENBERG avec sa baïonnette, HAZEL arma le fusil et dit à BONNET qu’il allait le tuer. BONNET lui donna alors un coup de sabre au front et HAZEL fut désarmé. WILLIAMSON attaqua alors BONNET qui se défendit et réussi même à le blesser. BONNET n’a pas vu RICHARDSON se faire blesser. Le juge lui fait remarquer que certains des témoins l’avaient vu juste à côté de lui, mais BONNET nie. Puis Samuel RICHARDSON l’interroge mais il nie encore. Il indique même qu’il n’a pas dit « is the rascal dead ? » mais qu’il a dit « yes, he is dead poor fellow » .
Le lieutenant de la compagnie blanche répète la même chose, et qu’il n’a pas vu ce qui était arrivé à RICHARDSON qui était tombé en face de la maison de NEVILLE. Il l’avait croisé avant, mais n’avait rien remarqué.
Theresa HAZEL, femme de couleur libre dit qu’elle n’a rien vu, mais qu’après, alors qu’elle était dans l’escalier qui monte vers la gallerie de Mr HADDOCKS, elle avait entendu BONNET dire « where is the villain ? »
William SWAN, homme de couleur libre confirme la bagarre entre la Musique et la 2eme compagnie devant la maison de HADDOCKS. Il dit que ça a commencé après les insultes de BALBORDA et de VAUCROSSON. Il habite juste là et il a eu du mal à contenir les gens qui voulaient se réfugier chez lui. Il y avait beaucoup de monde et il n’a pas vu ce qui était arrivé à RICHARDSON.
Dora SWAN, l’épouse de William, confirme. Elle ajoute que la bataille faisait rage, avec des fusils et des épées. Qu’elle a vu BONNET arriver et donner un coup de sabre à HAZEL au dessus de l’œil. Alors qu’elle essayait de faire rentrer le jeune Calix chez elle pour le protéger de la bataille, quelqu’un (elle ne sait pas qui) a essayé de le tirer dehors en disant « tout ça c’est de ta faute, tu dois sortir ! ». Dans la lutte, elle se retrouve à terre dans la rue, et, en se relevant, elle voit RICHARDSON parler à deux jeunes gens de couleur, et, quelques secondes plus tard, une foule passe devant sa maison en courant, et elle entend que RICHARDSON est décédé.
Grace WHITEHALE était dans sa cuisine dans la cour arrière et n’a rien entendu jusqu’à ce que ses enfants lui disent que RICHARDSON était mort.
La métive libre Polly GEORGE dit qu’elle n’a rien vu de l’émeute. Elle a juste vu le corps de RICHARDSON chez HADDOCKS. Elle a vu BONNET et il semblait terriblement excité et il dit « je découperait n’importe quelle personne de couleur qui lèvera son sabre sur un homme blanc », puis il rajoute qu’il cherche PETERSEN « pour rester à ses côtés aussi longtemps qu’il faudra ». Mais elle ne l’a pas entendu dire « Si RICHARDSON n’est pas mort, je le tuerai ! »
Louisa CREMONY, esclave de Grace WHITEHALE, déclare qu’elle était assise à la fenêtre chez sa maitresse, et qu’elle s’est évanouie de peur pendant l’émeute. C’est en se réveillant qu’elle avait entendu que RICHARDSON était mort.
Catherine HADDOCKS, esclave de Madame LINDERSAY dit qu’elle était à la fenêtre quand elle a vu et entendu Joseph RICHARDSON venir à la rencontre de PETERSEN et lui dire « je suis désolé, j’ai été poignardé ». PETERSEN lui répondit alors « restes avec moi et il ne t’arriveras rien » et RICHARDSON tomba à terre. Le juge lui demande pourquoi, à son avis, RICHARDSON dit qu’il est désolé, et elle répond que c’est surement par rapport à l’émeute. Suite à une question, elle indique que RICHARDSON venait de la Pointe où des miliciens se battaient. Elle dit qu’il y avait trop de monde pour se rappeler qui était présent.
Betsy ABBOTT, une mulâtresse libre, déclare que dès le début de la bagarre, elle a fermé portes et fenêtres, et est allée dans le jardin derrière la maison avec ses enfants. Elle n’a donc rien vu.
John AUSTIN, un mulâtre libre était dans son atelier à côté de chez DUNKER. Un des musiciens, Henry, est passé lui dire qu’il y avait une bagarre entre l’orchestre et la milice de couleur. John sorti de chez lui pour voir ce qui se passait. Arrivé sur place, il a aidé la femme de Richard WRIGHT à prendre le sabre que son mari avait en main. Puis il a vu BAYLEY, VAUGHAN et FLEMMING désarmer William HENRY. Ensuite, alors qu’il parlait à PETERSEN, RICHARDSON est arrivé en titubant. John lui demande alors ce qui ce passe, et RICHARDSON crie « Captain PETERSEN, Captain PETERSEN ! » et tombe sur le sol. Aux questions de la cour, il répond qu’il ne se rappelle plus si RICHARDSON était armé mais que PETERSEN avait un sabre en main.
Robert PETERSEN indique qu’il était chez son frère Peter lorsqu’il a entendu dire que la deuxième compagnie était entrain d’attaquer sauvagement les musiciens. En compagnie du Gouverneur, ils se sont précipités avec l’intention de calmer les esprits. En passant la maison de Madame DUNCAN il a vu un grand nombre de personnes qui avaient l’air perdus, puis il a continué vers la foule et a croisé RICHARDSON qui était tenu par des miliciens de couleur. Il avait l’air surexcité et il a pensé qu’il avait fait parti de la bagarre, et même qu’il était peut-être saoul à cause des gestes qu’il faisait. Puis, après avoir détourné le regard quelques instants, il vit en se retournant, que RICHARDSON était allongé sur le sol, et il a pensé qu’il avait vraiment dû trop boire. Pensant que tout était en ordre, il a suivit le Gouverneur vers la Pointe jusque chez Madame Louise FORTIN, puis ils sont retournés, et, en arrivant à la hauteur de la maison de Mr HADDOCKS, ils apprirent que RICHARDSON était mort. Ils entrèrent dans la maison où ils trouvèrent le docteur ARMSTRONG qui disait, en parlant de RICHARDSON « Il est mort, il est mort ».
Francis BAYLEY, adjudant de la milice, confirme l’interruption du repas ; il était avec Mr PETERSEN. Avec les autres officiers, ils ont quitté précipitamment la maison de PETERSEN et couru jusque chez DUNCAN devant chez qui « il y avait grand fracas de sabres ». Ils désarmèrent GOODCHILD (une petite épée, un sabre et un mousquet), un autre milicien de couleur (un sabre) et HAZEL (un mousquet). Puis le gouverneur envoya BAYLEY chercher le Major et un garde de la garnison. En revenant tout était calme.
Thomas DINZEY, capitaine de la deuxième compagnie donne sa déposition par écrit. Le mercredi 4 juillet, entre 15 et 16 heures, alors qu’il se reposait dans son lit, une servante est venue lui dire qu’on se tuait au pied de la colline. Il s’est immédiatement habillé et il a couru pour faire arrêter le combat. En arrivant, sur place, à côté de la maison de Caesar LINDERSAY, il vit RICHARDSON, à deux ou trois yards de lui, qui parlait avec PETERSEN. Il y avait du monde autour d’eux. DINZEY demanda à RICHARDSON de donner son sabre qui lui répondit « Capitaine, je n’en ai pas ». RICHARDSON avait l’air déjà blessé car il avait du sang sur sa chemise. DINZEY s’attendait à ce qu’il lui dise ce qui c’était passé, quand il tomba à côté de lui. Il ajoute qu’il avait senti des tensions déjà en marchant vers le fort Carl. En arrivant au niveau de la maison d’AZEVEDO, le Sergent-Major HEYLIGER était venu lui dire qu’il y avait du désordre dans les rangs à l’arrière. En y allant, il comprit que ses hommes étaient mécontents de ne pas avoir l’orchestre avec eux pour marcher. Il s’aperçût alors, que le Lieutenant HADDOCKS avait quitté les rangs. Il sut le lendemain qu’HADDOCKS était mécontent de cette marche sans la musique, et que, fatigué, il avait alors décidé de rentrer chez lui … Choqué par cette conduite, le Capitaine DINZEY avait alors confié la compagnie au Lieutenant STEINMETZ afin de pouvoir aller immédiatement faire un rapport au Major. Ne le trouvant pas, il obtint même de PETERSEN de pouvoir prendre l’orchestre avec lui. Rattrapant sa compagnie, il parla à ses hommes qui lui donnèrent l’impression d’être contents. Il quitta la compagnie en arrivant chez lui.
Interrogé par Samuel RICHARDSON devant la Cour, DINZEY confirme que la chemise de RICHARDSON était déjà tachée de sang quand il lui avait parlé, et qu’il ne l’avait pas trouvé faible.
Jacob FLEMMING, caporal de la 1ere Compagnie indique qu’il était présent chez PETERSEN et qu’il l’a vu partir en courant sans son chapeau. En arrivant sur place, il vit BALBORDA en lutte avec plusieurs officiers, parmi lesquels, PETERSEN et l’enseigne VAUGHAN. BALBORDA, avec son sabre, menaçait PETERSEN qui était désarmé. Jacob lui donna alors un coup de sabre sur l’épaule et BALBORDA fut désarmé. Il vit beaucoup de monde autour de RICHARDSON et décida de s’occuper de quelqu’un d’autre, mais, en passant, RICHARDSON donna un coup d’épée qu’il réussit à éviter avec la sienne. Puis il vit BAYLEY qui désarmait William HENRY. Il entendit juste après crier « il est mort ! » et en se retournant, vit RICHARDSON couché sur le dos à l’endroit où il l’avait vu juste avant. Essayant de rassembler ses hommes, il vit le « nègre » Ambrose se diriger vers lui en pointant sa baïonnette. Jacob fit marche arrière et s’éloigna.
Samuel RICHARDSON l’interroge et lui demande de confirmer la discussion qu’ils ont eu la veille dans la rue, et durant laquelle FLEMMING avait indiqué que son frère était entouré de BONNET, VAUGHAN et sept ou huit autres personnes, y comprit PETERSEN qui pointait son sabre sur son ventre en disant « Vas tu finir par te calmer ? Ne vois tu pas que tu es en mon pouvoir ? », ce à quoi Joseph avait seulement répondu « non ». FLEMMING nie l’avoir dit, mais confirme que les personnes ci-dessus étaient bien autour de Joseph RICHARDSON. Il indique que le défunt, et BALBORDA, particulièrement, semblaient pris d’une rage folle.
Francis ROBINSON, âgé de dix-huit ans, né aux Bermudes et résidant depuis 2 mois, déclare qu’il était chez Grace WHITEHALL, et que par la fenêtre, en regardant vers la Pointe, il vit des hommes se battre avec des épées. Il dit qu’il vit RICHARDSON tomber, mais pas qui l’avait poignardé. Il ne se rappelle pas qui était autour de lui non plus, mais il y avait des noirs et des blancs.
BALBORDA, entendu à nouveau, répète qu’il n’a pas essayé de découpé qui que ce soit, que lorsque la querelle a commencé, il était chez HADDOCKS et qu’il est sorti pour calmer tout le monde, que personne ne se battait , qu’ils ne faisaient que se bousculer. Puis cela a dégénéré et les épées sont sorties.
JOANNIS confesse avoir sorti son épée, mais pour se défendre de BALBORDA qui avait sorti la sienne. De l’orchestre, il y avait aussi Calix PILETTE et son fils, Nicolas CUVELJE, SANCHO, GODET et GOODCHILD. JOANNIS dit qu’il a été sauvé par deux femmes dont une « négresse » GERY, et une autre qu’il ne connait que de vue.
HAZEL nie tout, indique qu’il était avec BALBORDA chez HADDOCKS, et qu’il ne s’est battu avec personne. Il dit qu’il ne sait pas qui a pris ses armes et qu’il ne pense pas avoir vu TREFFENBERG ce jour là.
BALBORDA déclare qu’il n’y avait pas plus que deux ou trois des personnes qui étaient avec lui qui savaient ce qui se passait. Ils étaient tous saouls.
GOODCHILD répète ce qu’il avait dit précédemment, et qu’il n’a pas été insolent avec VAUGHAN, il voulait seulement garder son épée. BALBORDA et JOANNIS se battaient avec leurs épées. Il ajoute que ce n’est pas lui qui a dit à SERRES que BALBORDA avait insulté la Musique. Il avait sorti son épée pour se défendre, mais il ne s’était pas battu.
WILLIAMSON dit qu’il n’était pas dans la bagarre, qu’il n’avait même pas sorti son épée, qu’il était devant la maison de SWAN quand BAYLEY lui avait demandé son arme, et il lui avait donnée tout de suite.
BALBORDA dit qu’il parlait avec SERRES et GOODCHILD lorsque JOANNIS l’avait chargé avec son épée et qu’il l’avait esquivé avec la sienne, mais sans chercher à le blesser, puis il avait couru, et, un peu saoul, avait trébuché dans le caniveau, sans doute cause de sa blessure.
JOANNIS contredit BALBORDA.
GODET dit qu’en sortant de chez DINZEY il était resté un peu en arrière et qu’il parlait avec SERRES. Ils virent alors un attroupement de milicien avec leurs sabres en main qui s’insultaient les uns les autres. Ils virent BALBORDA qui attaquait JOANNIS avec son épée tandis que celui-ci essayait de se défendre et qu’il était attaqué par HAZEL qui le chargeait avec son mousquet équipé d’une baïonnette. Ils réussirent à faire rentrer JOANNIS dans une maison voisine pour le protéger ; il saignait déjà. Ils virent RICHARDSON, qui leur tournait le dos, s’agiter avec son coutelas qu’il brandissait, lorsque PETERSEN, arrivant à son tour, vint vers lui en lui demandant de se calmer. Puis, RICHARDSON se retourna vers eux et ils virent qu’il avait du sang sur le ventre. PETERSEN lui parlait toujours. Puis RICHARDSON vacilla. Il ne s’était pas écoulé plus de deux ou trois minutes depuis l’arrivée de PETERSEN. GODET se trouvait au milieu du croisement des rues pendant tout ce temps là mais il n’a pas vu qui se trouvait devant RICHARDSON avant l’arrivée de PETERSEN, mais RICHARDSON semblait vouloir se protéger de quelqu’un. Dans les questions qui suivent sa déposition, il dit qu’il n’a pas vu PETERSEN désarmer BALBORDA et qu’il ne peut nommer personne d’autre que ceux dont il a déjà parlé. Il confirme qu’il avait vu BALBORDA continuer à frapper JOANNIS de son sabre alors qu’il était à terre, mais il n’a pas vu de clarinette. Il pense se souvenir que WILLIAMSON était dans la bagarre, mais ne se souvient pas s’il était armé d’un sabre ou d’un mousquet.
BALBORDA persiste et continue de nier.
WILLIAMSON aussi, il n’avait pas sorti son sabre et n’a pas participé à la bagarre.
HAZEL répète qu’il ne connait rien à cette affaire. il avait eu trop peur.
Le fils PRÉCOPES indique qu’en sortant de chez DINZEY où il avait été avec la Musique, il a vu des miliciens devant la maison de la défunte Madame HILL. Une partie des musiciens les rejoignirent, pendant que le témoin et plusieurs autres musiciens continuèrent vers la maison de PETERSEN. En arrivant au niveau de la maison de DUNKER, ils entendirent des cris, et, voyant que tout le monde courait vers la rue où se trouve la maison de la veuve HILL, il s’arrêtèrent au carrefour et se retournèrent. Ils virent JOANNIS, BALBORDA et le défunt chacun les armes à la main et qui se défendaient l’un de l’autre. Puis PETERSEN, suivit des officiers accoururent pour mettre la paix. Tous les combattants se dispersèrent, sauf RICHARDSON qui était le plus entêté, puis, juste après, ils entendirent que RICHARDSON était mort. PRÉCOPES fils aida Samuel à transporter son frère dans une maison. Interrogé ensuite, il confirme que RICHARDSON est resté seul avec son sabre à la main, entouré d’officiers blancs. Il n’avait pas son chapeau. PRÉCOPES dit aussi que tout le monde avait beaucoup bu, tant les miliciens, que les musiciens.
Louis SERRES déclare qu’il a oublié ce qui c’était passé, mais que si on lui relisait sa première déclaration, alors il devrait se rappeler. SERRES redit qu’en sortant des chez DINZEY, GOODCHILD était venu lui dire que BALBORDA avait insulté les musiciens. Qu’après avoir lui avoir demandé si c’était vrai, il avait nié. Puis la dispute avait commencé entre BALBORDA et GOODCHILD avant de dégénérer en bataille avec les sabres. Voyant cela, le témoin confirme qu’il est parti chercher PETERSEN et qu’il n’a rien vu de plus.
Calix PILETTE dit qu’il a vu WILLIAMSON venir sur JOANNIS avec son sabre tiré comme s’il voulait l’en frapper, puis, il a vu BALBORDA qui avançait sabre à la main vers GOODCHILD. Calix a lors attrapé BALBORDA pour l’empêcher de continuer, mais, poussé par la foule, il est lui même tombé. En se relevant il a vu PETERSEN qui tenait RICHARDSON par la main et qui lui disait « do you know me ? », puis le défunt est tombé en faisant des gestes comme s’il voulait parler. A ce moment là PETERSEN n’avait ni sabre, ni chapeau, ce n’est qu’après, que ses domestiques lui les ont remis. Calix ajoute qu’il avait vu LONG donner un coup de baïonnette à Antoine, un des musiciens.
Evidemment, BALBORDA et WILLIAMSON nient en bloc.
Gorah PHENIX, une « négresse » libre dit qu’elle a vu JOANNIS et WILLIAMSON se battre, qu’elle a essayé d’extirper le premier, mais sans y arriver, puis que BALBORDA est arrivé et lui a donné des coups d’épée et que JOANNIS s’est mis à saigner en essayant de se protéger avec sa clarinette. Elle réussit enfin à le faire rentrer dans sa maison. La mère de JOANNIS est sa marraine.
PETERSEN, en présence de l’Accusateur Public, est appelé et entendu afin de déterminer s’il était armé ou non lorsqu’il a parlé à RICHARDSON. Il dit que lorsqu’il est arrivé sur place, sans armes et sans chapeau, il a trouvé Richard DINZEY à qui il a demandé ce qu’il faisait là (le passage n’est pas très clair), puis, bousculé par des hommes à lui, il se retrouve à terre. Il essaye ensuite de s’adresser à la foule pour les calmer, réussit à désarmer BALBORDA qui s’en va, puis voit RICHARDSON s’approcher en brandissant son sabre. Entre temps, on lui a fait passer son chapeau et son sabre avec lequel il esquive un coup de RICHARDSON, puis, appuyant son sabre contre le ventre de RICHARDSON, il lui dit « What are you about ? Dare you draw against me. Don’t you see you are in my power ? ». RICHARDSON lui répond alors « I beg you pardon, I did not mean it to you, I have received a blow » en mettant sa main sur sa poitrine. Après quoi PETERSEN laisse tomber son sabre et met ses mains sur les épaules de Joseph tout en lui parlant, puis il tombe, comme s’il s’était évanoui. Plusieurs personnes vinrent s’occuper de lui, et PETERSEN a continué à disperser la foule.
CONCLUSIONS
Je n’ai pour l’instant pas trouvé de document faisant suite au compte rendu envoyé par le Gouverneur.
Qui a tué Joseph RICHARDSON ? Tout le monde doit s’être fait une petite idée, mais on ne peut évidemment rien affirmer. Peut-être pourriez vous même en suggérer un en commentaire ?
Joseph a-t-il été victime d’une justice à deux vitesses parce qu’il était noir ? Cela parait évident, je pense.
En effet, comment penser qu’un blanc, dans ce microcosme de relations familiales et commerciales, aurait pu en dénoncer un autre au profit d’un « nègre » ?
Comment croire qu’un « nègre » libre pourrait pointer du doigt un officier blanc et le désigner comme coupable ?
Comment imaginer qu’un esclave oserait accuser l’ami ou le voisin de son propriétaire ?
Comme par hasard, personne n’a vu la même chose, mais aussi, tout le monde regardait ailleurs lorsque le meurtre a été commis. Bien pratique !
NORDERLING a fait de son mieux pour étouffer l’affaire, et il aura fallu que Samuel RICHARDSON soit particulièrement tenace et courageux pour écrire au Roi, et qu’on en parle enfin dans un rapport. Il a dû jouer le « confort » de sa vie afin de lutter pour la mémoire de son frère, et combattre les inégalités entre les noirs et les blancs.
En soit, c’était déjà une victoire !
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