La petite maison du bord de mer au Quartier de Saint-Jean,

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les problèmes de violence conjugales ne sont pas des événements nouveaux arrivés avec le monde moderne. On en trouve de nombreuses traces documentées dans les archives de notre île.

A la campagne, il y a bien sûr le fameux divorce de Reine Catherine MUTREL séparée de Jean Baptiste GRÉAUX en 1804, ou celui de Jean Louis GRÉAUX qui, bien que marié déjà avec Joséphine TURBÉ, ramène une femme du Demerara au Guyana, où il avait passé un contrat de plusieurs mois. On a aussi le cas de Suzanne LEDEE avec son mari Pierre BERNIER. Celui de Jeanne Rose GRÉAUX qui vit un enfer avec son mari Jean QUESTEL « Cadet », à tel point que son frère, Antoine GRÉAUX, l’assassinera à Gouverneur.

Il y a aussi l’affaire de Louise Emélie LÉDÉE, qui heureusement semble bien se terminer.

Le 23 septembre 1833, Emélie LÉDÉE adresse un pétition aux honorables membres de la cour de Justice. Parfait JAILLE rédige le courrier, mais elle signe de son nom.

« Emélie Louise LÉDÉE, épouse de sieur Alexis GRÉAUX, habitant au quartier de Saint-Jean, île susdite,

Représente très humblement qu’obligée de fuir, il y a huit ou neuf mois de la maison maritale pour se mettre à l’abri des mauvais procédés de son mari envers elle. Elle se retira alors chez sa mère au Quartier de Lorient où elle vit jusqu’à présent séparée de son dit mari, dans « un état presque expirante » et sans aucun secours que ce soit pour s’alimenter, elle, et trois enfants qui ne peuvent être autrement qu’avec elle à cause de la faiblesse de leur complexion et de leur tendre âge.

Qu’ainsi séparée, elle aurait pu faire plusieurs propositions à son mari, entre autres, celle de lui donner la petite maison qu’ils ont toujours habitée près du bord de mer au quartier de Saint-Jean, et de laisser à son service sa négresse Théotiste dont elle et ses enfants ne peuvent se passer comme ayant été presque élevés par elle.

Mais que son dit mari, rejetant ses propositions, et que ne pouvant continuer de vivre ainsi, isolée, sans le moindre secours, et entièrement abandonnée de son mari, elle se voit forcée de recourir à l’autorité de l’honorable Cour de Justice pour une séparation d’entre elle et son dit mari, aux fins de pouvoir jouir de ses apports matrimoniaux et de ses droits et actions dans la communauté de biens qui existe entre eux.

A cet effet, elle supplie qu’il plaise à l’honorable Cour de Justice de lui permettre de faire assigner devant elle le dit sieur Alexis GRÉAUX, son mari, pour se voir condamné à ladite séparation et à la reddition de ses apports matrimoniaux, ainsi qu’à lui faire raison de sa demie dans leur communauté, et à tous les frais, dépens, dommages et intérêts, et ce sera de justice ».

Le 12 juin 1833, Jean Louis L’ORANGE avait reçu du Juge MORSING un doublon pour remettre à Louise Emélie LÉDÉE comme avance sur sa part. J’imagine qu’il y avait donc déjà eu des échanges entre eux avant le courrier du 23 septembre.

Le 24 octobre, Louise Emélie LÉDÉE signe un courrier envoyé à Monsieur Jean Louis L’ORANGE au Public. Je ne sais pas qui l’a écrit.

« J’ai l’honneur de vous adresser la présente et désire qu’elle vous trouve en bonne santé, ainsi que votre aimable famille à laquelle je vous prie de faire agréer mes amitiés en cette occasion.

J’ai la consolation de vous informer que mon époux a convenu d’accepter les conditions que je lui proposais à notre réunion, et que d’après nos promesses mutuelles et réciproques, nous nous sommes réconciliés et sommes dans notre asile avec nos enfants depuis quelques jours. Cette heureuse circonstance me porte à solliciter de vos bontés de bien vouloir être mon organe devant l’honorable Cour, en l’informant que notre discussion est entièrement arrangée.

En vous assurant de ma gratitude, dans un sentiment, je suis, Monsieur, votre très humble et obéissante servante ».

PS : Mon époux se trouvant bien indisposé, il me charge de vous dire que dans cet état, il ne pourra être capable d’aller en ville

On ne peut qu’imaginer que tout est bien qui finit bien.

Alexis GRÉAUX décède le 28 janvier 1835, et Louise Emélie le 19 octobre de la même année.

Louise Emélie LÉDÉE est née vers 1795 à Lorient. Elle est la fille de Joseph LÉDÉE (qu’on trouve aussi sous Pierre Jean) et de Suzanne BORNICHE. Son père est marguillier, marchand et propriétaire de l’habitation Dubocq.

Alexis GRÉAUX est né vers 1790, fils d’Alexis GRÉAUX « Denoye » et de Marie Louise MUTREL, tous les deux du quartier de Saint-Jean où ils habitent à l’Etoile. Alexis est 1er lieutenant de la milice.

Ils ont plusieurs enfants mais pas de descendance connue de nos jours.

On peut noter qu’apparemment Alexis GRÉAUX avait eu un enfant avec une femme de couleur libre deux ans avant son mariage. L’affaire n’est pas claire du tout, mais il semble que Charles GRÉAUX, né en septembre 1814, soit le fils qu’il a eu avec une Reinette FRENCH. Si tel est bien le cas, alors Alexis GRÉAUX a une descendance de nos jours.

On peut finalement se replonger très facilement dans le passé de notre île.

La prochaine fois que vous irez à la plage à Saint-Jean, tournez le dos à la mer, dirigez votre regard vers la terre, fermez les yeux. Même si elle a disparu depuis longtemps, je suis sûr que vous la verrez, « la petite maison qu’ils ont toujours habitée près du bord de mer au quartier de Saint-Jean ».



Catégories :1833, DIVORCES, Greaux, L'Orange, ledee, SWEDISH EPOQUE, SWEDISH PERIOD, Uncategorized

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