Une partie de pêche qui tourne mal, et petite discussion sur les familles GIROUX et MATHIEU.

Il y a 226 ans, sortir du port de Gustavia le soir pour une « ti coup d’pêche » pouvait présenter des risques et en revenir, presque un exploit !

Le compte rendu de ce sombre fait divers est malheureusement un peu vague, mais l’essentiel est là, et nous laisse entre appercevoir un petit peu de la vie à Saint-Barthelemy à cette époque.

Le 12 mai 1794, vers 19:00, le fils de Louis GIROUX, accompagné d’un esclave, sort en canot pour aller à la pêche. Ils semblent prendre vers le sud. En même temps, un mulâtre libre, à bord d’un autre canot prend vers le nord.

Charles MATHIEU, le mulâtre libre, apperçoit quatres goëlettes et bateaux (corsaires Anglais) vers 20:00, puis, plus tard, on entend un coup de canon vers la pointe du sud (pointe nègre ?).

Le canot qui était allé vers le sud ne revient pas dans la nuit, ni le lendemain,

Le 14 mai, ni le canot, ni ses occupants n’ont été retrouvés et Louis GIROUX, dans son compte rendu à Jean NORDERLING, juge et notaire Royal, en déduit que des corsaires Anglais ont enlévé son canot, son fils et son esclave. On peut noter que son fils n’est pas nommé, et que l’esclave s’appelle René. Je n’ai aucune information sur ce fils. A quelle distance peut-on aller à la rame pour faire un coup de pêche la nuit ? Les corsaires Anglais étaient-ils donc capables de venir juste à la sortie du port sans être inquiétés ? Sans doute à l’affut pour débusquer des corsaires de la République (comme on appelle ces corsaires armés par la Révolution et basés en Guadeloupe) qui croisent dans nos eaux pour attaquer des navires de commerce ou pour venir y vendre leurs butins, les Anglais ont-ils saisi cette occasion pour s’emparer d’une maigre prise. Il ne fait pas bon s’aventurer en mer en 1794, même pour un petit coup de pêche !

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Les familles GIROUX et les MATHIEU

Louis GIROUX est né en 1753 au Prêcheur en Martinique. Il est commerçant à Gustavia et vit avec Rose et Félicité, deux « négresses libres de nation ». On peut noter qu’au décès de Félicité en 1840, il est dit qu’elle est née en Afrique …

Louis a plusieurs enfants avec ces deux femmes et, dans son testament en 1797, il leur lègue la moitié de ses biens.

Je n’ai identifié que ces trois là :

Benjamin GIROUX qui vit avec Sophia Elizabeth SCHÜRER (fille de Joseph SCHÜRER, un Suédois, et de Hannah HODGE, une négresse libre).

André GIROUX qui vit avec Marie Louise MATHIEU, une femme de couleur libre née à Saint-Martin.

Clarisse GIROUX, mestive libre née en 1814

Il y a aussi Rose Catherine GIROUX, une soeur de Louis née vers 1763, qui vit également à Gustavia. Elle est mariée avec Joseph Ange Auguste NICOT, commerçant né à Aix-en-Provence.

MATHIEU est un patronyme que l’on retrouve souvent et à Saint-Barthelemy et à Saint-Martin. Je n’ai pas pu faire la connection pour l’instant, mais je suis convaincu que les MATHIEU dont on parle ici sont liès aux plus anciens. Le premier qu’on connaisse est un Pierre MATHIEU né à La Rochelle vers 1680 qui épouse Magdelaine LÉDÉE le 28 février 1724. Ils ont au moins deux garçons qui feront partis de la diaspora des Iles du Nord, déportés vers le sud par les Anglais dans les années 1740. Ils seront installés sur Saint-Vincent au moins un temps, car y naissent au moins deux enfants. La famille retourne à Saint-Martin, sans doute vers, ou après 1772, et ils résident à Quartier d’Orléans où ils auront d’autres enfants. La progéniture se marie à son tour, à Saint-Martin, avec des CHARBONNÉ et des TRONCHIN, familles Françaises (de Guadeloupe et de Saint-Eustache) arrivées sans doute à la même période. Certains des descendants viennent se marier à Saint-Barthelemy et je pense que là ce fait la connection.

On peut noter aussi que Pierre MATHIEU fils, né à Saint-Barthelemy en 1728, et auteur de la descendance connue, est marié avec une Florence PIMONT LAROCHE (tous deux noms que l’on retrouve dans les généalogie de Saint-Barthelemy). Lorsqu’il meurt à Quartier d’Orléans, à Saint-Martin en 1805, son épouse est dite habitante à Trinidad. Une partie de la famille aurait-elle décidé de s’installer là-bas ? C’est possible comme me l’a fait remarqué Mr Tian UDDENBERG (qui, outre ses ancêtres connus de Saint-Barthelemy, compte également des GIROUX et des MATHIEU de Trinidad dans sa généalogie) qui connait l’histoire des iles, du nord au sud, mieux que personne ! En effet, en 1783, les Espagnols publient un document (Cedula of Population) destiné à faciliter l’arrivée de catholiques à Trinidad qui a besoin de nouveaux colons. Sont particulièrement attendus, des colons des iles Françaises. On peut noter aussi que ce document reconnait des droits aux gens de couleur libre, et qu’on leur donne aussi des terres à leur arrivée. Les descendants de ces familles étant mulatres, cela pourrait constituer une bonne raison pour justifier la relocation sur Trinidad, d’autant qu’on ne retrouve pas de MATHIEU ou de GIROUX chez nous après cette période là.

Bref, comme on le voit ici, les Antilles ne sont pas si étendues qu’elles en ont l’air, et des liens qui s’étaient créés il y a deux ou trois cent ans existent toujours par delà les frontières.



Catégories :CORSAIRES, GIROUX, Uncategorized

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2 réponses

  1. De plus des MATHIEU?

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