Dans un document plus ancien, mais récemment mis en ligne, et cité dans le dernier numéro du journal de Saint-Barth, il est indiqué que ce sont « Miss Marie » et « Miss Elvina HAYES » qui ont donné le terrain sur lequel fut construit l’hôpital de Gustavia.

Mais qui étaient ces demoiselles HAYES ?

C’est l’occasion de parler d’une famille qui vécu sur notre île durant l’époque Suédoise, et dont le patronyme oublié avait même perdu son orthographe originelle quarante ans à peine après la disparition de la dernière porteuse du nom.

En effet, c’est Thomas Cléophas AYE qui apporte ce nom sur notre île le 6 avril 1799 en s’installant à Gustavia. Il est né à Martigues, en Provence, le 9 avril 1770, avec une sœur jumelle, Catherine Brigitte, et baptisé le jour même dans la paroisse Sainte-Madeleine. Il est le fils de François AYE, marin, et de Marie AILLAUD.

Thomas Cléophas AYE épouse Louise Perrine REILLY le 10 janvier 1809 à Gustavia (mariage civil). Louise Perrine est née à Saint-Eustache le 3 mai 1788. Ses parents, sans doute Français, Mathieu REILLY et Marie PREVOT, doivent venir s’installer à Gustavia, car c’est là qu’elle reçoit le baptême catholique le 2 novembre 1794.

Le couple aura cinq enfants,

André Cléophas, né vers 1810,

François Thomas, né vers 1812

Marie Henriette, née en 1814, baptisé le 7 mars de la même année,

Marie Louise, née le 6 aout 1816

Joseph, né le 3 novembre 1820

Thomas Cléophas aura un sixième enfant, Jean André AYE, né d’une Anne Marie CASTEL en 1820. On peut noter que la mère de l’enfant est la fille du Portugais Benito CASTEL et d’Elisabeth GRÉAUX.

Thomas Cléophas est commerçant boulanger à Gustavia. Il semble tenir boutique dans le quarteret Slätten sur le lot 188 qui borde la Södra Strandgatan (rue Samuel Fahlberg actuelle). C’est le terrain maintenant en friche qui borde le côté ouest de l’église Anglicane.

Le 18 aout 1824, on prépare l’inventaire de succession de Louise Perrine REILLY décédée le 26 juillet 1824. Thomas AYE, « agissant tant pour lui que pour le compte des enfants issus de son mariage, lesquels enfants sont au nombre de 5, André Cléophas, environ 15 ans, François Thomas, environ 12 ans, Joseph, environ 4 ans, Marie, 10 ans et Marie Louise 7 ans, tous nés dans cette ile ».

On y trouve les lots 188 et 573 (une subdivision du premier) dans le quartier Slätten, construit de plusieurs appartements, dont le principal donnant sur la rue avec chambres en haut et magasin en bas et diverses chambres dans la cour avec une cuisine boulangerie, le tout pour 2500 gourdes.

Un autre terrain dans le quartier China # 547 (en gros là où se trouve la cantine scolaire) avec un parc à bœuf et une petite maison, pour 160 gourdes

Six esclaves natifs d’Afrique, Un d’Anguilla, quatre mulâtres créoles de cette ile, et une autre sans précision, pour un total de 1210 gourdes.

On lui doit 355 gourdes et il en doit 561.

La valeur totale des avoirs de la famille AYE est d’environ 4716 gourdes. Ils sont relativement riches.

Thomas AYE décède le 21 avril 1849. Les affaires à Gustavia sont beaucoup moins bonnes que vingt-cinq ans plus tôt, et il est ruiné. Il possède encore le lot 188 avec une maison, une cuisine et deux fours, ainsi que le lot 547 non construit.

 Les dettes se montent à 1429 dollars pour un patrimoine total de 586 dollars. Les enfants renoncent à l’héritage pour rembourser les créanciers.

Le 3 janvier 1850, les trois principaux créditeurs attaquent la succession, Joseph AYE, son fils, pour 530 dollars, Jean Marie Theodore LABASTIDE, son beau-fils, pour 603 gourdes (la maison de son beau père ayant été emportée par le terrible ouragan de 1837, c’est lui qui, avec William CARBERRY a avancé l’argent, 200 gourdes, pour la construction de la nouvelle maison avec, en échange, une hypothèque sur le lot 188) et Eliza BARDY (288 dollars).

Les enfants de Thomas Cléophas AYE

François Thomas AYE épouse Catherine Rose L’ORANGE vers 1834. Elle est la fille de Jean Louis L’ORANGE que nous avons vu dans plusieurs articles, et Marianne Rose GRÉAUX. Elle est née à Public en 1806, elle est maitresse d’école. Le couple aura deux enfants, Louis Cléophas en 1835 et François Joseph en 1838, sans descendance connue.

Marie Henriette AYE épouse Jean Marie Théodore LABASTIDE le 5 juillet 1832. Il est né à Saint-Barthélemy le 29 octobre 1806, fils de Pierre BEDOS de LABASTIDE et de Marie Magdeleine VANTRE du quartier de Saint-Jean. Le couple aura quatre enfants, mais je n’ai pas de descendance connue, même si leur fille, Marie Célestine LABASTIDE, épouse Joseph Edmond GARRIN le 9 février 1869.

Joseph AYE épouse Jeanne Marie Eulalie Rosalie Olympe DÉJOYE en avril 1844. Elle est née à Gustavia le 12 juin 1822, fille du riche et influent Pierre François DÉJOYE et de Catherine Virginie PÉRILLIER. Le couple va vivre un temps à Anguilla, puis Sint-Maarten et Saint-Martin avant de revenir sur notre île. Joseph et Eulalie auront plusieurs enfants dont :

Pierre Cléophas Déjoye AYE qui épouse Joséphine MILANDER (Sœur cadette de Selma Justina MILANDER, la « dernière Suédoise » de Gustavia).

Les deux dernières enfin, les deux donatrices du terrain sur lequel fut construit l’hôpital de Gustavia par le père Irénée De BRUYN :

Marie Louise Elvina AYE, née à Gustavia le 21 juillet 1850 et décédée le 6 novembre 1942.

Marie Elisabeth Amelia Joséphine Zulma AYE, née à Marigot sur l’île de Saint-Martin le 22 octobre 1854, baptisée à Gustavia le 1^er janvier 1855, et décédée le 01^er novembre 1946 à Gustavia également, il n’y a pas si longtemps en vérité !

Merci à ces deux demoiselles AYE qui offrirent leur terrain pour le bénéfice de la population de notre île. C’est donc à elle, et sa représentation la plus directe, la Collectivité de Saint-Barthélemy, qu’en revient la propriété aujourd’hui !

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