La Vigilante de Nantes, 1831

Dans son rapport au Roi de Suède daté du 27 juillet 1831, le gouverneur Lars Gustaf Morsing, indique qu’une goélette de guerre française, venant de la Guadeloupe et se rendant à Saint-Martin, a débarqué deux personnes dans « l’anse de la grande-goélette ». Il apparaît que le débarquement s’est fait subrepticement, comme en cachette, en tous cas, sans suivre les procédures habituelles. Le gouverneur n’écrit pas le nom de ce bâtiment français, peut-être ne le connaît-il pas.

Les deux individus débarqués sont Joseph Azevedo et Joseph Laplace, tous deux dits natifs de notre île. D’après le gouverneur Morsing, ils avaient embarqué comme marins à Gustavia sur la goélette française « La Vigilante » de Nantes, en août 1829, à destination des îles du Cap-Vert. Il précise que, quelque part sur les côtes d’Afrique, « La Vigilante » a été arrêtée par un brick de guerre français et l’équipage fait prisonnier. Cette goélette se livrait à la traite des esclaves pourtant alors interdite par la France depuis 1815. Les marines françaises et anglaises patrouillaient le long des côtes africaines pour faire respecter la réglementation et arrêter les contrevenants. Joseph Azevedo junior et Joseph Laplace ont dû faire un séjour en prison, peut-être en Guadeloupe ou en Martinique, avant d’être relâchés sur notre île, dans une anse, discrètement, sans arrivée officielle par le port de Gustavia.

D’ailleurs cette anse que le gouverneur désigne sous le nom de l’anse de la grande-goélette reste inconnue pour l’instant. Une erreur dans son rapport ?

Dans les archives de Charente-Maritime on retrouve bien la goélette « La Vigilante », immatriculée à Nantes à cette époque. Elle y a été construite en 1826 et appartient en société à messieurs Bastar, Vuilliaume et Lepèrtière. Elle a un port de 63 tonneaux et un tirant d’eau, chargée, de 2,60 mètres. Un bien petit navire pour faire de telles navigations.

Archives départementales de Charente-Maritime – Fiche de La Vigilante de Nantes de 1826

Elle avait quitté Nantes (le port de Pierre Percée, sur la Loire, semble-t-il) le 10 février 1826 sous le commandement du capitaine Lepertière, à destination de Cayenne. La Vigilante était arrivée à destination le 10 mai de la même année. Il me semble la voir repartir de Cayenne le 19 septembre à destination de Para avec plusieurs marins brésiliens rescapés d’un naufrage en mer. Je la retrouve pour un nouveau départ de Cayenne à destination de Para, sous les ordres du même capitaine Lepertière le 1er mai 1827. Puis, le navire fait du cabotage en Amérique du Sud et dans les îles des Antilles. Le 3 juillet 1828, La Vigilante quitte de Cayenne à destination de la Guadeloupe, toujours sous les ordres du capitaine Lepertière.

Après un passage en France, le même capitaine reprend le commandement de La Vigilante au moins en mars 1829. Il est indiqué qu’elle est expédiée à la Barbade, et qu’il n’est pas revenu en Guyane. En 1832 il est dit qu’il ne navigue plus et qu’il est épileptique, en 1835, « porté aux absents sans nouvelles ». Je ne trouve rien de plus concernant La Vigilante. C’est sans doute après son éventuel passage à la Barbade que La Vigilante a dû passer par chez nous et embarqué ces deux marins avant de se diriger vers les côtes d’Afrique.

On pourra aussi noter qu’en 1822 déjà, un autre navire portant le même nom et immatriculé à Nantes également, avait été arrêté par la marine anglaise sur les côtes du Nigeria actuel, avec, à son bord trois cent quarante-cinq esclaves.

Joseph Azevedo « père » est un commerçant influent à Gustavia. Il est né au Portugal vers 1773, et naturalisé citoyen suédois en 1799. Il a plusieurs enfants avec Elizabeth Groebe, native de Saint-Eustache, sans qu’on sache s’ils étaient mariés :

Anne Elisabeth, peut-être née à Gustavia en 1801, baptisée à Gustavia en janvier 1804,

Rosa Catarina, peut-être née à Gustavia en 1803, baptisée à Gustavia en janvier 1804

Maria Theresa, née à Gustavia en 1806, baptisée la même année,

Et Joseph Azevedo « fils », né vers 1811,

Maria Theresa épouse Henry Parson Haddocks en 1823, ils auront un fils en 1835, Henry James Azevedo Haddocks, mais sans descendance connue.

J’aurais bien aimé pouvoir identifier ce Joseph Laplace, mais, à cette époque, sur notre île, il y en a tellement … Autant chercher une aiguille dans une toc d’herbes Guinée !



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