Jean-Baptiste Barthes, soldat et curé

Dans le livre de Per Tingbrand, qui liste des habitants de notre île à l’époque suédoise, on peut lire, concernant Jean-Baptiste Barthes :

Jean-Baptiste BARTHÈS, abbé, prêtre catholique, arrivé à Saint-Barthélemy en août 1833 après plus d’un an sans poste, est né à Parisot, dans le département du Tarn, en France.   Il vécut au presbytère de Gustavia jusqu’à sa mort le 7 avril 1836. Ses revenus étaient insuffisants et il n’avait servi que de façon sporadique à Lorient après un différend avec la population rurale, selon le rapport du gouverneur Haassum daté du 14 juin 1837. Il fut d’abord enterré dans le cimetière de Saint-Jean, mais ses restes mortels furent transférés et inhumés sous le sol, devant l’autel, dans l’église catholique de Gustavia le 1er août 1841”.

Le père Barbanson a déchiffré l’inscription de sa tombe définitive comme suit (traduit du latin)

« Sous ce tumulus repose le corps de Monsieur Jean-Baptiste Barthès, recteur de cette paroisse.
De nationalité française, né dans le village de Parisot, dans le Tarn.
Né en l’an 1793 du Seigneur.
Ayant exercé presque trois ans son ministère dans cette paroisse avec piété, justice et grande compassion pour les veuves et les délaissés,
Il passa avec la plus grande piété au Seigneur le 7 avril 1836, à la mémoire de son honneur.
Le 1er août 1841, son corps fut transféré au pied de cet autel depuis le cimetière de Saint-Jean,
Par des catholiques qui l’avaient protégé, soutenu et assisté dévotement.
Qu’il repose en paix. Amen.
»

acte d’inhumation de Jean-Baptiste Barthes – Archives départementales de la Guadeloupe
Acte de la translation des restes de Jean-Baptiste Barthes au pied de l’autel de l’église de Gustavia en 1841 – Archives départementales de la Guadeloupe

J’ai voulu faire une petite recherche sur ce curé enterré au pied de l’autel de l’église catholique de Gustavia, un bel honneur tout de même.

Jean-Baptiste Barthes est né le 25 vendémiaire de l’an III, soit le 16 octobre 1794, fils de Jean-Baptiste Barthes, maître charron, et de Thérèse Balmele. On peut noter que ses parents avaient déjà eu un enfant, Jean-Baptiste, né le 14 décembre 1791 et baptisé le 15 décembre 1791 à la paroisse Saint-Jacques. Cet enfant était donc décédé avant 1794, mais je n’ai pas retrouvé l’acte de sépulture.

Baptême de Jean-Baptiste Barthes – Archives départementales du Tarn

On retrouve ensuite la trace de Jean-Baptiste Barthès parmi les effectifs du 7ᵉ régiment d’infanterie de ligne entre le 22 janvier et le 23 octobre 1813, alors que l’Empereur Napoléon Ier dirige encore la France.


À la suite de la désastreuse campagne de Russie de l’hiver 1812 et de la révolte d’une partie des États allemands, Napoléon décrète en janvier 1813 la levée d’un nouveau contingent de 350 000 hommes, rapidement surnommés les Marie-Louises, du nom de l’impératrice qui en signa le décret.


Jean-Baptiste, âgé de seulement dix-huit ans, fait partie des plus jeunes recrues : on mobilise alors les classes de 1809 à 1813, la sienne tout juste appelée sous les drapeaux.
Le 7ᵉ régiment de ligne participe à plusieurs grandes batailles de la campagne d’Allemagne.


D’après sa fiche matricule, Jean-Baptiste est promu caporal le 11 mai 1813 — sans doute à la suite de son comportement courageux lors de la bataille de Lützen (2 mai 1813), victoire coûteuse pour Napoléon, où périrent ou furent blessés quelque 20 000 soldats français.
Viennent ensuite Bautzen (20 et 21 mai 1813, en Saxe), nouvelle victoire française contre les troupes russes et prussiennes, puis Dennewitz (près de Jüterbog, Brandebourg), le 6 septembre 1813, où le maréchal Ney subit une lourde défaite face à la coalition russo-prusso-suédoise — près de 15 000 Français y trouvent la mort.
Quelques semaines plus tard, le régiment prend part à la gigantesque bataille de Leipzig (16–19 octobre 1813).
Cette confrontation oppose plus d’un demi-million de soldats venus de toute l’Europe : Français d’un côté, Russes, Prussiens, Autrichiens et Suédois de l’autre.
Le 7ᵉ de ligne appartient alors à la 1ʳᵉ brigade du général Gruyer, intégrée à la 13ᵉ division du général Guilleminot, au sein du 7ᵉ corps commandé par le général Reynier.
Fort d’environ 12 000 hommes, le corps de Ney résiste héroïquement avant de devoir battre en retraite.
La bataille de Leipzig, souvent qualifiée de « Bataille des Nations », marque un tournant décisif : l’armée française recule sur toute la ligne.


Après le 23 octobre 1813, les traces de Jean-Baptiste Barthès se perdent.
Le 6 avril 1814, Napoléon abdique ; il part pour l’île d’Elbe le 3 mai, tandis que Louis XVIII, frère de Louis XVI, monte sur le trône.
À cette époque, Jean-Baptiste réapparaît dans les registres du même régiment, désormais renommé « Régiment d’Orléans », où il sert du 1ᵉʳ septembre au 1ᵉʳ décembre 1814.
Le 7ᵉ RIL semble alors en garnison à l’intérieur du territoire — peut-être dans la région de Besançon ou le long de la frontière italienne.
Ensuite, le silence : on ne sait rien de plus sur Jean-Baptiste jusqu’à son arrivée sur notre île, en 1833.


Dans les registres de notre île, on peut en constater la présence par les actes qu’il y a inscrits.
Premier acte signé à la paroisse de Gustavia, le 6 août 1833, baptême d’André Labastide, né le 9 mai 1833.
Premier acte à la paroisse de Lorient, le 15 août 1833 : baptême d’Augustine Lédée, née le 2 mars 1832.
Dernier acte à la paroisse de Gustavia, le 15 mars 1836 : baptême de Jeanne Joséphine Degout, âgée de deux ans.
Dernier acte à la paroisse de Lorient, le 26 mars 1836 : enterrement de Louis Lédée, âgé de 4 ans.


J’aurais aimé établir le lien entre sa vie de jeune “Marie-Louise” sous les ordres du maréchal Ney pendant la campagne d’Allemagne et son arrivée sur notre île en tant que prêtre. Je n’ai pas pu trouver les documents dans les archives, une chose est sûre, c’était un survivant !



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