Deux vaches en divagation, Saint-Jean, 1822

Le 6 mai 1822, Abraham RUNNELS adresse un mémorial au Gouverneur et à la Cour de justice à Gustavia.

C’est assez rare dans les affaires qui se passent à la campagne, mais la pétition est écrite en anglais puisque RUNNELS est anglophone, bien qu’habitant à la campagne.

RUNNELS écrit que le dernier jour du mois précédent, François BRIN qui cultive pour lui une parcelle de terre bornant avec la veuve LABASTIDE au quartier de Saint-Jean, lui a rapporté que quatre de ses vaches avaient traversé la limite et passé chez la voisine. Mr BRIN était immédiatement parti les chercher et en avait déjà ramené deux sur les terres de Mr RUNNELS, lorsque DÉRAVIN « alias Ste Catherine », accompagné d’autres personnes, l’avait empêché de s’occuper des deux dernières.

Pire, DÉRAVIN et les autres poussent ces deux vaches perdues plus loin dans les terres de Madame LABASTIDE, sa belle-mère. Là, ils les attrapent et les attachent, et réclament une pénalité de 4 dollars à RUNNELS, procédure normale lorsqu’on trouve sur ses terres les animaux « en divagation » d’un autre habitant. Seulement, RUNNELS n’est pas d’accord, et François BRIN a protesté : les vaches n’avaient pas eu le temps d’aller envahir les plantations de Madame LABASTIDE, et c’est DÉRAVIN qui les y avait poussées ! D’ailleurs, il n’y a même pas de clôture !

RUNNELS refuse de payer la somme exigée par DÉRAVIN et envoie une première demande à la Cour de justice qui propose que les 4 dollars soient déposés en attente de la résolution de l’affaire. RUNNELS s’exécute et demande que DÉRAVIN soit entendu et prouve son cas, ou, qu’on lui rende son argent.

Le même jour, Sainte-Catherine reçoit sa convocation pour le 10 du mois.

FSB 206 – Convocation de Sainte-Catherine DÉRAVIN

Le 7 mai, Sainte-Catherine DÉRAVIN envoie un courrier à la Cour « Je viens vous exposer respectueusement, que mardi matin, 30 du mois d’avril dernier, étant dans la maison de Mr L’ORANGE (nota : il habite à Public), Capitaine commandant la milice, j’y fus nommément qualifié d’assassin par le sieur François BRIN habitant de Saint-Jean, et que me sentant indigné d’une telle qualification, je n’en peux et ne veux supporter le poids déshonorant pour moi, ma famille et celle à qui je suis allié, motif pour lequel je supplie l’honorable Cour d’avoir la bonté de faire appeler devant elle le sieur BRIN pour y être condamné comme calomniateur, à tout ce que les lois prononcent de plus rigoureux contre les méchants de son espèce ! ».

Le 8 mai, François BRIN est convoqué par le tribunal. La convocation lui est signifiée alors qu’il est de garde au fort

FSB 206 – convocation de François BRIN par la Cour de justice

Les minutes de la Cour sont particulièrement difficiles à suivre dans ce dossier, mais il semble que François BRIN soit condamné à une amende de 3 dollars et à 4 jours au pain et à l’eau. Je n’arrive malheureusement pas à déchiffrer la fin de ce jugement.

FSB 206 – une page des minutes de la Cour de justice

Abraham RUNNELS est né à St Eustache vers 1768, il est le frère de Joannes RUNNELS, un temps Gouverneur de cette île. A la mort de son frère, il adopte sa nièce Judith Charlotte.

Mr RUNNELS est propriétaire au quartier du Roi, comprendre la partie ouest du quartier de Saint-Jean, des habitations Vendôme et Renaud. A son décès en 1828 il est écrit qu’il possède un troupeau de 48 moutons et que paissent sur ses terres 8 vaches, 10 veaux et 28 moutons qui appartiennent à d’autres personnes.

François BRIN dit « Magloire », né vers 1770, est le fils de Nicolas BRIN « fils » et d’Elisabeth BERNIER, cultivateurs à Marigot. Il épouse Marianne GRÉAUX le 17 août 1799. Elle est la fille de François GRÉAUX et de Marie Magdelaine BRIN, cultivateurs installés entre Saint-Jean et Salines. Le contrat de mariage stipule que François apporte un carré de terre situé à Grand Fond.  Ils ont trois enfants, mais le seul à atteindre l’âge adulte c’est Joseph. Je n’ai pas de descendance après les petits-enfants. A la succession de François en 1843, il est dit qu’il ne possède qu’une parcelle d’un quart de carré avec deux mares à Saint-Jean.

Sainte-Catherine DÉRAVIN est le fils aîné du premier mariage de Jean François DÉRAVIN avec Marie Anne THOREAU. Il est né en Fort Saint-Pierre en Martinique vers 1793. Je pense que son père lui a donné ce prénom en hommage à sa propre mère, mais il est pour l’instant difficile d’en être totalement sûr. Il est cultivateur à Saint-Jean et il sera aussi lieutenant de la milice. C’est un personnage influent de la campagne. Il épouse Marie Julie Adélaïde LABASTIDE le 6 février 1815. Elle est née à Saint-Jean le 9 mai 1798, fille de Pierre BEDOS de LABASTIDE et de Marie Magdelaine VANTRE. On peut noter que son grand-père paternel est originaire de Puylaurens dans le Tarn, et que son grand-père maternel est originaire de Marseille. Par sa grand-mère paternelle, Anne Eulalie LACROIX, native de Port-Louis, elle descend du corsaire Guillaume LACROIX qui était né à Saint-Barth vers 1670. Sainte-Catherine DÉRAVIN et Marie Julie Adélaïde LABASTIDE auront sept enfants d’où descendance, dont la branche australienne des DÉRAVIN.



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