Les trois photos,

On a tous, dans nos greniers, des cartons de vieilles photos. Des photos du temps d’avant, des photos de gens dont on sait qu’ils ont été nos ancêtres lorsque le monde n’existait qu’en noir et blanc. On ne reconnaît pas tout le monde, parfois même personne. On y voit des mariages, de drôles de voitures, des maisons, des vélos, des bébés, des enfants, des uniformes et toujours beaucoup de sourires, quoique parfois coincés. Des photos de scènes de la vie de tous les jours, d’évènement officiels ou familiaux, fixant dans l’éternité des moments qui apparaissent toujours heureux.

Dans le grenier de mes parents, j’en ai trouvé des kilomètres ; des quantités industrielles presque ! De la joie de vivre à revendre, du bonheur en barres, de quoi ensemencer les générations à venir si elles venaient à en manquer comme on nous le prédit.

Voyez comme on vivait bien avant, voyez comme nous étions heureux !

Et puis j’ai trouvé ces trois minuscules photos, tellement petites qu’il faut une loupe pour bien les regarder. On se demande d’ailleurs bien pourquoi on tirait les photos sur de si petits formats, si petits qu’on dirait des timbres-poste, presque des confetti.

Sur le dos des trois photos il est écrit «  guerre de 1914-1918 ». Rien d’autre. Pas de lieu, pas de date précise, comme si cela n’avait pas d’importance, comme si ces quatre années n’avaient été qu’une seule et même journée. Comme un long chapelet de jours tristes et moroses, tellement gris et froids, qu’on ne se rappelle d’eux que comme un seul triste et long jour sans fin.

« Guerre de 1914-1918 ».

Adjudant René FERRY – 1914-1918

Ces trois photos ont été prises dans une tranchée, et l’homme arborant une fière moustache et portant le casque Adrian, c’est mon arrière-grand-père, l’adjudant René FERRY.

Comment ces photos ont-elles été prises ? Sommes-nous sur le front ? A l’arrière ? L’atmosphère a l’air relativement tranquille, mais, sur cette photo où il semble guetter par- dessus le parapet de la tranchée, est-il seulement en train de poser pour le photographe ou scrute-t-il le proche horizon pour y repérer un casque à pointe dépassant de la tranchée d’en face ? Comment a-t-il récupéré ces photos ? Un photographe de passage à qui on donne un billet pour un souvenir, et qui vous fait les tirages entre deux charges héroïques ?

On n’en saura jamais sans doute rien, mais je les aime bien, moi, ces trois photos.

Adjudant René FERRY – 1914-1918

Elles ne font pas rêver, elles ne vantent rien, elles ne promettent rien. Pas d’uniformes impeccables, pas de boniment, pas de médailles. Ces photos remettent les choses à leur place, simplement dans leur contexte.

Parce qu’en définitive, ce qu’on veut voir, c’est le soldat dans sa tranchée, comme l’ouvrier sur son établi !

Adjudant René FERRY – 1914-1918


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