Cet article n’a rien à voir avec mon travail sur l’histoire de Saint-Barth, il concerne un de mes arrières grand-pères,
Depuis le début de la guerre, le 37eme régiment d’infanterie n’a quasiment pas arrêté un instant. Parti de Nancy à pied, ils ont commencé les combats en Lorraine occupée, en direction de Morhange (la bataille de Conthil), puis la bataille du Grand Couronné, quasiment aux portes de la ville, pour empêcher coûte que coûte les Allemands de s’engouffrer dans la trouée de Charmes. Puis c’est la Somme, puis Ypres en Belgique, puis l’Artois, à Neuville Saint-Vaast. Rien que ça. Un an dans l’enfer de cet immense bourbier qui court de Nancy à la mer du Nord. Et ce n’est que le début.
Au moment de cet épisode, il leur reste encore plus de trois ans à tenir !
Le 37eme régiment d’infanterie fait partie de la 2eme armée, 20eme corps d’armée, 11eme division. La 11eme division, dite « division de fer », est constituée de quatre régiments d’infanterie basés en Lorraine, le 37eme donc, mais aussi les 26eme, 69eme et 79eme RI.
La division va enfin bénéficier d’une petite période de calme sur l’arrière, en Lorraine, de la mi-juillet à la fin d’août 1915. Le cantonnement du 37eme se trouve à Ludres, juste au sud de Nancy. Il y a beaucoup de Lorrains, dont mon arrière-grand-père, René FERRY, et j’imagine qu’ils ont l’occasion de voir un peu leurs familles. Ils sont presque à la maison, celle qu’ils défendent depuis déjà un an.
Le 24 août, le 37eme régiment d’infanterie, avec la 11eme division, participe à une revue militaire entre Azelot et Manoncourt en Vermois, en présence du Président de la République, Raymond Poincaré, de Sa Majesté le Roi des Belges, Albert 1e, du ministre de la Guerre, et du Général Joffre. Bien évidemment, la « division de fer » tout entière défile alors au son de la « Marche Lorraine » !
Le 30 août 1915, le régiment embarque à la gare de Maron, en direction de Blesme (Château Thierry), et c’est le départ pour la Champagne. Il est fort probable que ce soit à ce moment-là que le régiment touche ses casques, ceux du modèle Adrian. Jusqu’à présent, ils ne combattaient qu’avec une petite cervelière, protection en forme de calotte faite en acier et posée à même le crane ou sur le képi mou…
Le 37eme s’installe au sud-ouest de Suippe sur une ligne allant de Sainte-Menehould à Somme Bionne et s’attelle à des travaux de fortification et de construction de boyaux jusqu’au 8 septembre. A cette date, départ pour les tranchées dans le secteur nord entre Le Mesnil-les-Hurlus (village détruit) et Massiges, et reste sur ces positions jusqu’au 21 septembre avec l’arrivée de cent hommes en renfort. Ils sont en plein cœur des opérations à venir.
Vers 20 heures, les Allemands lancent des obus asphyxiants et des lacrymogènes. Quelques éléments se replient vers la tranchée de soutien, mais, aussitôt entrainés par les officiers et le chef de bataillon, ils se reprennent et se portent en avant, tuant les quelques allemands qui s’étaient glissés dans les tranchées.
Le lendemain, le 37eme se porte sur le secteur de Laval-sur-Tourbe sous de violents bombardements qui se poursuivent le lendemain. Les canons Français commencent une préparation d’artillerie qui va durer trois jours afin de détruire les défenses des lignes Allemandes qui se trouvent juste devant.
Le 24 septembre, le régiment se trouve sous de très violents bombardements. On a peine à imaginer la différence qu’il peut y avoir entre des bombardements violents et des bombardements très violents. Le lendemain matin, c’est le début de la seconde bataille de Champagne.
Le 25 septembre à 09 :15, le régiment s’élance à l’attaque de la croupe 194 en 3 vagues successives. La 1ere vague franchit rapidement les 1eres lignes allemandes, mais se trouve bloquée par les mitrailleuses de la butte du Mesnil, et se fait refouler. Malgré son pilonnage intensif des derniers jours, l’artillerie Française n’a pas réussi à anéantir les fortifications Allemandes derrière la 1ere ligne.

Les autres compagnies réussissent plus ou moins à atteindre une partie des objectifs. La garnison allemande du fortin est faite prisonnier (68eme Bavarois). Bilan de la journée : Pertes, 15 officiers et 800 hommes hors de combat, mais le régiment a fait 530 prisonniers.
Ce jour-là, René FERRY va s’illustrer particulièrement et sera cité à l’ordre de la brigade le 21 novembre 1915 : « Placé avec trois camarades dans la nuit du 25 septembre 1915 à la tête d’une barricade, a fait preuve de la plus grande activité et de la plus grande vigilance en empêchant l’ennemi d’approcher pour lancer des grenades. Est resté deux jours au poste avancé ». Avec cette citation, il obtient la Croix de guerre avec étoile de bronze.
Le 26 septembre : Ordre est donné de progresser vers la « tranchée Minden ». Progression très difficile et très lente. Le soir, on repousse une attaque Allemande.
On les imagine rampant dans la boue sous le feu ennemi, bloqués par les barbelés, les trous, les crevasses, sans comprendre ce qui se passe vraiment, sans vue d’ensemble. Il faut avancer, puisqu’ils en ont reçu l’ordre !
Le 27, attaque générale avec les mêmes buts et objectifs. Situation inchangée au soir.
Le 28, ils reçoivent l’ordre de s’emparer, à la grenade, du « boyau Minden », mais l’opération ne réussit pas à cause des fils de fer installés sur une profondeur de 30 m et de tirs de barrages de 78. Le soir on lance une deuxième tentative, infructueuse elle aussi. Ordre est donné de tenir le « ravin de Cuisines » et d’assurer l’inviolabilité du front. Renfort de 265 hommes.

C’est ce même jour, tout près de là, à la ferme Navarin, on la voit sur la carte ci-dessus, que blaise Cendrars perd sa main droite alors qu’il combat dans les troupes du 2eme régiment etranger.
Le 29, pas de changements
Le 30, arrivée d’un nouveau renfort de 193 hommes. Tentatives de coups de main, mais replis.
Le 1er octobre, construction d’une tranchée parallèle à « Minden » pour relier entre eux les 37e, 79e et 26e régiments d’infanterie.
Le 2, ordre de s’installer en position défensive face à la « butte du Mesnil » tout en cherchant à progresser par coups de main
Le 4 novembre 1915, René FERRY est nommé Adjudant. Il vient d’avoir 29 ans, une femme et deux enfants l’attendent à la maison, en Lorraine.
Le 6 octobre 1915, ordre est donné de lancer une attaque sur la « butte du Mesnil » en même temps que les 14e, 16e et 11e Corps.
Malgré le feu de l’artillerie, les défenses de la « butte-du-Mesnil » n’ont pu être détruites, et il est impossible de tenter une attaque directe. On prend bien un blockhaus, mais il est reperdu dans la nuit.
Jusqu’au 09 octobre, consolidation des défenses

Même chose jusqu’au 17 octobre, avec de forts bombardements
Même chose jusqu’au 20 octobre, mais sous de TRÈS violents bombardements. Après un mois passé au front, le 37e est enfin relevé par le 79e, et part bivouaquer dans le ravin aux pins, puis, dès le lendemain, part en cantonnement à Hans jusqu’au 29 octobre date à laquelle le 37e repart vers le front pour prendre les tranchées du 79e dans le secteur de droite de la 11e division (secteur B). Les deux régiments, formant à eux deux la 22eme brigade, vont ainsi alterner, six jours au front suivis de six jours de repos à Hans. En certains points de la 1ere ligne, les tranchées allemandes ne sont qu’à quelques mètres. On se voit, on s’entend, on se tire dessus à bout portant.
Les 30 et 31 octobre, très violents bombardements avec gaz, violentes attaques à droite et à gauche sur le 11e corps et la 39e division.
Le 03 novembre, les Allemands bombardent violement avec gaz et jets de pétrole enflammé.
Dans la nuit le régiment est relevé par le 79e et va au repos sur Hans jusqu’au 10 novembre puis reprend ses positions avec une période de six jours de calme. On fait quelques entrainements, mais on passe le plus clair de son temps à essayer de se débarrasser des « totos », les poux, gros, énormes, qui infestent les tranchées et sont partout omniprésents.

Le 37e est relevé par le 79e et repart au repos à Hans, arrivée d’un détachement de 40 hommes.
Le 23 novembre, le 37e relève à nouveau le 79e dans le même secteur.
Rien d’important à signaler jusqu’au 29 novembre date à laquelle ils sont remplacés par le 79eme. Repos à Hans. Arrivée d’un détachement de 100 hommes.
Le 05 décembre 1915, le 37e remplace à nouveau le 79eme.
Les pluies sont continuelles, torrentielles et les tranchées sont comblées par les éboulements. Le sol crayeux de Champagne forme une boue laiteuse qui recouvre l’uniforme et s’infiltre partout, jusque sur le corps, à y former des croutes. Il y a jusqu’à 50cm d’eau et de boue dans les tranchées et les abris s’écroulent. Dans certains boyaux, on a de l’eau jusqu’au ventre, et c’est laconiquement écrit dans le journal de marche « PÉRIODE EXCESSIVEMENT DURE POUR LES HOMMES ». Comment fait-on pour tenir dans de telles conditions ? Qu’est-ce qui peut bien vous garder debout dans le froid face à la tranchée ennemie avec de l’eau jusqu’aux genoux ? Sur la gauche des positions du 37eme et du 79eme, une section entière, trente hommes du 26eme, est ensevelie quand son abri détrempé s’effondre sur elle.
Le 10 novembre, le 37e est relevé par le 79e et part au repos à Hans, cette relève est rendue très pénible par la pluie.
Repos jusqu’au 16 décembre. Nouveau renfort de 246 hommes.
Le 17 décembre, le 37e part relever le 79e au front une dernière fois, et il y reste jusqu’au 21 au soir. Il gèle.
Le 22 décembre, c’est le 412eme d’infanterie qui vient les remplacer alors qu’ils sont transportés de nouveau vers la Lorraine, dans les environs de Bayon, pour une période de repos et de formations.
C’est sans doute à ce moment qu’est prise cette photo de mon arrière-grand-père, photo au-dos de laquelle il a écrit, très simplement, sans fioriture, « En souvenir du repos bien mérité́ après l’attaque de la butte-du-mesnil, Champagne, entre septembre et décembre 1915 » avant de l’envoyer à sa très chère épouse.

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